Message du Secrétaire Exécutif du REN-LAC à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption le 09 décembre.

Message du Secrétaire exécutif du REN-LAC à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre la corruption

Lundi 09 décembre 2013

 

Mesdames, messieurs

Ce 09 décembre m’offre l’agréable occasion de vous adresser mes vives félicitations pour vos multiples efforts afin de contrer et d’endiguer le phénomène de la corruption. Le Réseau national de lutte anti-corruption salue particulièrement les Burkinabè de tous horizons engagés de façon résolue contre ce fléau.

Cela fait neuf ans déjà que la Journée mondiale de lutte contre la corruption est régulièrement célébrée. Le REN-LAC pour sa part commémore à l’occasion les Journées nationales du refus de la corruption (JNRC) et se fait  toujours le devoir d’informer l’opinion publique sur l’évolution de la corruption au Burkina Faso. Il tient surtout à la faveur de ces journées de multiples activités dont le clou demeure le panel.

Au plan international le thème de cette journée est « Zéro corruption – cent pour cent développement ». Le REN-LAC dans le cadre de la 8e édition des JNRC a choisi de mener la réflexion autour du thème : « la justice burkinabè face à la corruption ».

Mesdames, messieurs

En 2011 déjà, le REN-LAC avait placé la justice au cœur de ses JNRC. Si le thème de la justice revient deux ans seulement après, c’est en raison de la prééminence que le REN-LAC accorde au rôle de la justice dans la lutte contre la corruption. En outre, cette récurrence lui permet surtout d’interpeller l’ensemble des acteurs sur la nécessité de construire une justice indépendante et intègre. Le REN-LAC insiste comme à chaque occasion sur l’impérieuse nécessité d’une justice au service, de la veuve et de l’orphelin, c’est à dire du faible.

La justice en  2013 aura été au centre de bien de récriminations de la part des populations. La justice est devenue l’objet de contestation, surtout de méfiance en témoigne les vindictes populaires. L’autorité y est allée également de sa défiance à l’égard de la justice en refusant notamment de restituer un bien à ses propriétaires malgré l’injonction des juges.

Fait digne d’intérêt et notable, des acteurs de la justice eux-mêmes sont passés aux aveux. Sur fond de frustration ils ont fini par porter sur la place publique leurs pactes secrets avec des justiciables.

Il y a trois (3) semaines, à Kaya  dans le Centre Nord, des manifestants en majorité constitués d’orpailleurs exigeaient la démission des autorités administratives et judiciaires. Ils reprochaient à la justice sa partialité et au procureur de «toujours jouer au chat et à la souris depuis son arrivée au palais». Ils scandaient à la place Naaba koom le lundi 18 novembre 2013 « justice de Kaya = gouverneur = SOMIKA»[1]La goutte d’eau qui a fait déborder le vase est ce jugement « comique » au palais de justice de Kaya où neuf de leurs militants ont été condamnés sans preuve, en écopant de 6 mois fermes.

Au Burkina Faso, « la justice reste souvent inerte quand il s’agit de sévir contre de grands délinquants à col blanc » écrivait le Réseau dans son adresse aux acteurs du monde judiciaire à l’occasion de la dernière rentrée judiciaire (voir www.renlac.org). Cette situation contribue pour une part considérable, à l’effritement de la confiance du citoyen dans la justice burkinabè, qui se manifeste de plus en plus, et douloureusement par des actes de justice privée.

Mesdames, messieurs

Le REN-LAC a tellement foi au rôle de la justice dans la lutte contre le fléau qu’il a entrepris de renforcer ses pouvoirs en contribuant  à l’élaboration d’une loi spécifique anti-corruption. Pour le REN-LAC, cette loi devrait permettre une meilleure répression de la corruption dans toutes ses dimensions notamment la corruption dans les marchés publics, le financement des partis politiques, le  délit d’apparence… En soustrayant ces délits du  projet  de loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso nous estimons que cette loi spécifique en attente d’être adoptée par l’Assemblée nationale est déjà vidée de sa substance. Le REN-LAC saisit l’opportunité de cette journée pour demander à l’exécutif de se ressaisir et de faire adopter une loi spécifique anti-corruption à même de faire reculer de manière significative la corruption.

En plus de cette exigence, le REN-LAC estime qu’une loi spécifique anti-corruption doit être appliquée par des juridictions et des juges spécialisés. Ce combat ne saurait être gagné que si les élèves magistrats sont formés sur des modules économiques et si le Conseil supérieur de la magistrature fait de la formation continue sur les questions économiques un enjeu. Du reste dans les mois à venir, le REN-LAC va initier des actions dans ce sens. En plus, le REN-LAC va engager une série de plaidoyer en faveur de la création d’un pool anti-corruption dans l’organigramme judiciaire, de l’insertion de la lutte contre la corruption dans le programme de formation initiale du personnel judiciaire.

Il faut une justice qui sache traiter et vider les dossiers de corruption et autres crimes économiques avec diligence. C’est à ce prix que l’environnement des affaires sera stable et favorable aux opérateurs économiques. La paix se trouve également à l’aulne de cette orientation et de cet effort. L’émergence viendra lorsque ce prix sera réellement payé.

 

Mesdames, messieurs

Le gouvernement burkinabè ne semble pas encore avoir pris la mesure des enjeux de la lutte contre la corruption. Il  semble se complaire toujours dans le dilatoire. Cette année encore les structures étatiques de lutte contre la corruption que sont la Cour des comptes et l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat ont remis leurs rapports au chef de l’Etat. Il s’ensuivra comme d’habitude, l’éternel débat sur la suite à donner à ces rapports. Pour nous, ce débat a lieu chaque année parce que les passerelles jetées entre l’ASCE et la justice ont du mal à fonctionner. L’ASCE met du temps à remettre les dossiers à la justice et l’ASCE n’ayant pas les compétences d’une police judiciaire, son rôle de courroie de transmission apparait comme inefficace.

Ces deux facteurs font courir le risque d’une prescription de la plupart des dossiers déjà traités par ces institutions. Il faut une volonté politique plus affirmée pour donner à ces différents rapports le traitement qui sied. Mais là encore volonté politique ne veut pas dire seulement profession de foi. Lors de sa visite à l’ASCE le 13 septembre 2012 le Premier ministre Luc Adolphe TIAO a pris des engagements plus précis à travers « les huit (8) mesures » censées donner plus de résultats concrets à la volonté politique constamment réaffirmée. A la date du 13 septembre 2013 soit une année après, bien que 34 dossiers de malversations aient été déjà transmis à la justice par l’ASCE aucun de ces dossiers n’a connu de jugement avant fin juin 2013 conformément aux engagements du Premier ministre.

Mesdames, messieurs

Le REN-LAC entend maintenir la pression sur le gouvernement et sur les acteurs de la justice afin que l’éclosion d’une justice indépendante et intègre tant attendue devienne une réalité. Il sait par avance que le chemin sera long et difficile, mais il demeure convaincu que cette quête se traduira dans les faits dans un avenir que nous souhaitons proche. Sa conviction est d’autant plus grande et forte qu’il voit chaque jour, plusieurs franges de la population se battre pour le respect de leurs droits. Le mouvement loin de s’étioler s’amplifie de jour en jour.

Cette journée est pour nous l’occasion d’interpeller le gouvernement, la justice et les citoyens sur la nécessité de chercher à sauvegarder notre justice des immixtions des autres pouvoirs afin de l’aider à lutter contre la corruption.

Riche ou pauvre, faible ou puissant, la justice doit rester notre dernier recours contre l’injustice d’où qu’elle vienne. Travaillons donc à ne pas faire de la justice une pestiférée. Travaillons à gommer cette image de la justice qui n’inspire confiance qu’à ceux qui la manipulent donc à une minorité dont les intérêts sont opposés à ceux de la majorité de notre peuple.

 

Le Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC)

01 BP 2056 Ouagadougou 01, Rue Zomsaba, 17.572

Tél : +226 50 43 32 83   – Numéro vert : 80 00 11 22

E-mail : renlac@renlac.org – Site web: www.renlac.org

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