Déclaration liminaire à la conférence de presse du mardi 3 mai 2016

Déclaration liminaire à la conférence de presse du mardi 3 mai 2016

Mesdames et Messieurs,

Chers amis de la presse, partenaires  de lutte contre la corruption,

Au nom du Secrétariat Exécutif, je voudrais vous traduire la reconnaissance du REN-LAC pour votre présence une fois de plus, à nos côtés ce matin, à l’occasion de cette conférence de presse. Je salue la veille exercée de plus en plus par la presse en témoignent les différentes révélations que vous faites chaque jour. Cette attitude est un gage de transparence dans la gestion de la chose publique et le REN-LAC vous encourage à aller de l’avant. En ce jour, Journée mondiale de la liberté de la presse, je voudrais également, avant d’aborder les sujets pour lesquels vous êtes conviés, vous souhaiter plein courage et plus d’abnégation dans la lutte pour l’amélioration de vos conditions de travail et pour le renforcement de la liberté de la presse dans notre pays.

Mesdames et messieurs les journalistes, comme vous le savez bien, ces derniers temps l’actualité est marquée par des dénonciations tous azimuts, par les différents acteurs de la lutte contre la corruption, de cas de malversations et de mauvaise gestion. Le REN-LAC en tant que organisation dont la mission est d’œuvrer pour « une garantie de la bonne moralité et la transparence dans la gestion de la chose publique », se sent bien interpellé pour donner sa lecture sur l’audit de la transition et divers autres sujets d’actualité, notamment les révélations concernant les acteurs de la justice, la question de la reprise des concours de 2015 annulés et celle des déclarations d’intérêts et de patrimoine.

Sur l’audit de la gestion de la Transition,

Comme on le sait tous, suite aux exigences des citoyens, un audit de la gestion de la Transition a été commandité aussi bien par les autorités de la Transition que par l’actuel chef de l’Etat. Aux fins de cet audit, le REN-LAC a, à la demande de Monsieur le Contrôleur Général d’Etat, transmis un ensemble de situations qu’il souhaitait voir élucidées, parmi lesquelles figure la gestion de la SONATUR, la gestion des marchés publics et bien d’autres préoccupations. C’est le lieu pour nous de saluer le travail abattu par l’ASCE-LC qui a permis de mettre à nu diverses malversations qui ont émaillé la gestion de la transition. Nous saisissons également cette occasion pour interpeller les autorités compétentes, sur la nécessité d’opérationnaliser la réforme de l’ASCE-LC, en la dotant notamment des ressources nécessaires à l’efficacité de ses actions.

En ce qui concerne les résultats dudit audit, nous notons que certaines révélations faites par la presse, notamment celles relatives aux parcelles de la SONATUR ont été en grande partie confirmées. Ainsi, note-t-on, la confirmation que le premier ministre ainsi que d’autres ministres de la transition ont acquis des parcelles à la SONATUR durant la Transition, et cela en violation des dispositions de la constitution. En plus, l’audit a révélé d’autres manquements graves dans la gestion de la Transition, comme l’illustrent ces décaissements parfois à hauteur du milliard et contre simple décharge, constatés à la Primature ! Comme on n’a de cesse de le dire, quand les dirigeants se mettent aux avants postes du pillage des ressources et biens publics, il leur est difficile de tenir le bâton de commandement en matière de lutte contre la corruption et pour le civisme. Pour le REN-LAC les différents manquements constatés doivent faire l’objet d’une répression sans complaisance. Toutes les personnes impliquées dans ces manquements, quelle que soit leur qualité, quel que soit leur rang, qu’elles soient des hommes politiques ou des acteurs de la société civile, doivent répondre de leurs forfaits. Et cela concerne aussi bien le personnel qui a participé au tripatouillage que tous ceux qui ont bénéficié de ces parcelles ou tiré profit des différents manquements. Les actes de délinquance, d’où qu’ils viennent doivent être sévèrement punis et le REN-LAC soutient et encourage l’ASCE-LC dans les procédures qui seront initiées à cette fin. La gestion des terrains de la SONATUR et d’une manière générale, la gestion du foncier dans notre pays a été un terreau fertile à l’enrichissement illicite et au blanchiment d’argent sale. Il est donc impérieux que des investigations plus approfondies soient menées pour clarifier les attributions des parcelles et de domaines fonciers depuis une vingtaine d’années dans notre pays. Cela permettra d’exiger des comptes à tous ceux qui ont acquis un patrimoine foncier de façon illicite ou qui ont fait des blanchiments de capitaux par le canal du foncier.

Malgré le travail abattu, il est à déplorer que l’audit n’ait couvert que la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2015. Or, on le sait tous, entre le 1er novembre 2014, date à laquelle le Burkina Faso basculait dans la Transition avec à sa tête l’ancien Premier ministre de la Transition et le 1er janvier 2015, bien de choses ont pu se passer ! Du reste, de graves révélations concernant cette période, notamment le traficotage des fonds de la Présidence du Faso, allégué par la presse, restent en suspens ! En définitive, qu’en est-il exactement des comptes du fameux « Bureau militaire de la transition » ? L’audit aurait pu situer le Peuple burkinabè sur cette question. Par ailleurs, le REN-LAC note à ce jour, que le Président de l’Assemblée nationale est resté sourd et muet, face aux interpellations citoyennes à lui, adressées, sur la nécessité de faire auditer la gestion du Conseil National de la Transition (CNT). Au-delà des interpellations, le REN-LAC a soumis au Président de l’Assemblée nationale, une lettre de demande d’audience en date du 02 mars 2016 pour s’enquérir des dispositions qu’il aurait fait prendre pour répondre à cette exigence citoyenne. Mais jusqu’à ce jour, la réponse à cette demande d’audience se fait toujours attendre. La rupture d’avec la mauvaise gouvernance tant clamée, commande des tenants du pouvoir que la reddition de comptes dans la gestion de la chose publique soit traduite dans les faits.

Face à ces différentes révélations, la justice a une grande responsabilité à assumer avec courage pour rendre justice au Peuple burkinabè. Et cela doit commencer par la clarification des soupçons qui pèsent sur certains de ses acteurs.

Sur les révélations concernant les acteurs de la justice

La presse a récemment fait cas d’une accusation d’escroquerie portée contre des acteurs de la justice, notamment des magistrats, avocats, agents de la garde de sécurité pénitentiaire (GSP). Il est en effet allégué qu’un justiciable aurait déboursé la somme de plus de 77 millions pour obtenir le dénouement en sa faveur d’une affaire en cours en justice. Ces largesses n’ont malheureusement pas porté les fruits escomptés et c’est en désespoir de cause que le justiciable en question a décidé de porter plainte contre ceux qui ont bénéficié desdites largesses. Dans un tel contexte où tous les maillons de la chaine sont gangrenés, de quelle garantie de justice disposons-nous ? Serait-ce des signes d’encouragement et d’incitation à la justice privée ? Si l’attitude du justiciable est tout aussi condamnable que celle des acteurs de la justice incriminés, il convient tout de même de saluer son initiative de dénonciation et de poursuites à l’encontre des personnes incriminées.

En tout état de cause, le REN-LAC tient à saluer à sa juste valeur, la déclaration des organisations syndicales de magistrats qui,  réunies dans le cadre de l’intersyndicale, ont fermement condamné et exigé que toute la lumière soit faite sur la question. Il invite et encourage les organisations associatives et syndicales au sein de la grande famille judiciaire et les différents acteurs judiciaires à s’assumer pleinement à travers l’encadrement éthique de leurs membres et la dénonciation systématique et sans complaisance des délinquants tapis en leur sein ; car bien d’autres cas de soupçons de corruption d’acteurs de la justice restent encore non élucidés. Or, une lutte efficace contre la corruption ne peut véritablement prospérer quand la justice elle-même à des épines à ses pieds! Une justice véritablement indépendante, que nous appelons tous et de tous nos vœux ne saurait tolérer la gangrène en son sein. Le REN-LAC souhaite un traitement diligent et dans le strict respect des exigences procédurales, de ce dossier ainsi que de tous les autres dossiers en dormance et pour lesquels, les burkinabè sont toujours dans l’attente de la vérité et de la justice.

Mesdames et Messieurs les journalistes,

D’autres préoccupations qui nous tiennent à cœur, méritent bien que l’on y revienne. Il s’agit de la reprise des concours directs de 2015 annulés et de la question des déclarations d’intérêts et de  patrimoine.

Sur la question de la reprise des concours directs de 2015 annulés

L’on se souvient que suite aux fraudes qui ont émaillé l’organisation des concours directs de 2015, des voix se sont élevées, en appui au Comité des Jeunes Unis pour la reprise des concours concernés par les fraudes (CJURC), pour exiger entre autres, l’annulation et la reprise desdits concours.

Si le gouvernement dans ces différentes sorties a annoncé cette reprise, un flou total entoure toujours les modalités de cette reprise. Faut-il comprendre que les effectifs de ces concours viendront en cumul de ceux de la session 2016 ? Ou au contraire, procèdera-t-on à des compositions distinctes ? Face à ce flou entretenu autour de la question, le REN-LAC a, avant même la fin de la Transition sollicité une audience avec le Ministre en charge de la fonction publique autour du sujet. Cette audience ne sera jamais accordée jusqu’à la fin de la Transition. Avec la mise en place de l’actuel gouvernement, la demande a encore été réintroduite, mais elle est restée sans réponse jusqu’à ce jour, et ce, malgré les multiples relances ! En tout état de cause, le REN-LAC tient à souligner au sujet de ces concours, que l’esprit de la revendication et la voie du rétablissement de la justice et de l’égalité à l’égard des candidats malheureux de 2015, commandent une reprise distincte des concours entachés de fraude.

Sur la question des déclarations d’intérêts et de patrimoine.

A la suite de la publication de la déclaration de patrimoine du Président KABORE, celles des membres du Gouvernement THIEBA ont aussi été publiées au Journal Officiel, comme l’exige la loi n°04-2015/CNT du 3 mars 2015, portant prévention et répression de la corruption. Cette pratique de déclaration de patrimoine suivi de leur publication qui s’installe progressivement doit désormais être systématisée dans la gouvernance de notre pays. Tout en interpellant une fois de plus les autres assujettis à se conformer aux exigences de la loi anti-corruption, nous notons que les observations formulées à l’égard de la déclaration de patrimoine du Président Roch KABORE sont toujours de mise, à l’égard de celles des membres du Gouvernement THIEBA. A ce sujet, le REN-LAC prend bonne note de la réponse du Contrôleur Général d’Etat qui a indiqué dans une interview accordée au journal Le Pays le 4 février 2016, ceci : « Ce cahier de remplissage est incomplet et ne donne pas toutes les informations que l’on aurait dû donner. L’ASCE-LC est en train de le revoir et tout le monde va reprendre la déclaration sur le nouveau formulaire » (http://lepays.bf/luc-marius-ibriga-controleur-general-de-lasce-lc-a-propos-de-la-declaration-de-biens-cest-une-obligation-qui-peut-conduire-a-la-perte-de-la-fonction-occupee/).

Le REN-LAC note en plus un manque de sincérité concernant la déclaration de patrimoine de certains ministres, tandis que la situation de certains autres suscite des interrogations, surtout dans un contexte africain très fertile au blanchiment d’argent. Il appartient aux différents acteurs et aux structures habilitées  de faire en sorte que la déclaration de patrimoine ne soit pas un simple acte formel où l’on déclare pour déclarer, mais plutôt un instrument de prévention des conflits d’intérêt, de la corruption et de l’enrichissement illicite.   

Mesdames et Messieurs les journalistes,

La construction d’une société burkinabè prospère exige de tous et surtout des gouvernants, une rupture véritable avec les pratiques condamnables. C’est pourquoi, le REN-LAC appelle les citoyens à :

  • mieux s’organiser pour renforcer la veille citoyenne et la lutte pour l’avènement d’une société qui ne fera aucune place à la promotion de la délinquance en cols blancs !
  • à défendre vaille que vaille les acquis chèrement conquis à travers l’insurrection populaire d’octobre 2014 et la résistance au putsch de septembre 2015.

A vous chers amis de la presse, nos compagnons de lutte, le REN-LAC salue vos efforts d’investigations pour mettre à nue toutes les pratiques hideuses dans notre pays. Ensemble, restons débout et plus que jamais déterminés pour combattre la délinquance économique et financière sous toutes ses formes dans notre pays.

 

Je vous remercie.

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