Discours du Secrétaire exécutif à la cérémonie de lancement du rapport 2015 sur l’état de la corruption au Burkina Faso

Discours du Secrétaire exécutif à la cérémonie de lancement du rapport 2015 sur l’état de la corruption au Burkina Faso

Mesdames/ Messieurs, Honorables invités

Le REN-LAC se réjouit, une fois encore, de l’honneur que vous lui faites d’être présents à la cérémonie de lancement de son rapport 2015 sur l’état de la corruption au Burkina Faso.

Comme vous le savez le lancement du rapport sur l’état de la corruption constitue un grand rendez-vous coutumier pour le REN-LAC, pour la presse, pour le landerneau des services exposés à la corruption et pour le grand public burkinabè. Je voudrais, au nom des organisations membres, des membres du secrétariat exécutif et du personnel du REN-LAC, vous souhaiter la bienvenue à ce rendez-vous annuel devenu rituel.

Mesdames, Messieurs

Le lancement du rapport 2015 intervient six mois après la prise de fonction des autorités issues des élections couplées du 29 novembre 2015. Nous avons le sentiment que les signaux en matière de gouvernance et de volonté de lutte contre la corruption restent encore faibles. On note entre autres des nominations de personnalités au passé trouble et dont la gestion n’a pas été des plus exemplaires. On peut citer des noms de personnalité liée à la mauvaise gestion de parcelles à Koudougou et révoquée pour cette mauvaise gestion nommé directeur de cabinet du président, une autre personnalité limogée en 2007 pour son implication dans une affaire de détournement de deniers publics à la CARFO, l’ancien maire de la ville de Ouagadougou incriminé par la Cour des comptes dans l’affaire de la gestion de la réfection de la mairie de Ouagadougou, etc. Si ceux qui gouvernent peuvent brandir l’absence de condamnation par la justice de ces personnes, on peut légitimement répondre qu’on sait ce que leur justice a été pendant ces 27 dernières années, aux côtés de Blaise Compaoré, quand eux-mêmes étaient aux affaires. Les tentatives de remise en cause de l’indépendance de la justice nous semblent indiquer que beaucoup de gens sont nostalgiques de cette époque. Or le président Roch a pris des engagements notamment :

  • La promotion de la «méritocratie» dans les nominations au sein des structures administratives en mettant l’homme qu’il faut à la place qu’il faut,
  • Le maintien et la généralisation du dispositif impartial de recrutement des plus hauts responsables des démembrements de l’Etat (établissement public de l’Etat et société d’Etat).

Nous pensons qu’il faut s’en souvenir et appliquer avec rigueur ces engagements.

Mesdames et messieurs

Nous observons que le contexte national reste aussi marqué par des violences à l’occasion de la désignation des maires. Le parti au pouvoir semble être le maitre d’œuvre et le chef d’orchestre de ces échauffourées.

Pour nous, la gouvernance approximative des nouveaux maîtres du Burkina peut et doit être incriminée, parce que des signes évidents, de même que la presse les désignent. Nous interpellons leur conscience afin qu’ils prennent la mesure de la gravité des évènements pour arrêter d’endeuiller des familles burkinabè pour des peccadilles mais surtout pour qu’ils commencent à prendre des sanctions appropriées contre les fautifs de ces débordements.

Mesdames et messieurs

Quelles sont les perceptions des Burkinabè quant à la fréquence de la corruption au Burkina en 2015 ? Quels sont les services perçus comme les plus corrompus ? Quelles sont les initiatives des différents acteurs en matière de lutte contre la corruption ?

Voilà, entre autres, les interrogations auxquelles le rapport 2015 tente de répondre, avec toujours cet objectif d’informer les burkinabè sur l’évolution de notre gouvernance. Ce rapport reste pour nous, en effet le moyen de mettre à la disposition des citoyens et des communautés, des données fiables, leur permettant de se mobiliser contre le fléau et d’attirer l’attention du gouvernement sur la gravité du phénomène et donc la nécessité d’engager des actions vigoureuses contre les corrompus et les corrupteurs.

 

Mesdames, Messieurs

L’année 2015 constitue une année singulière, où le peuple insurgé avait de fortes attentes en matière de gouvernance. Le rapport 2015 comporte 119 pages, outre la méthodologie, il comprend deux parties. Une partie qui analyse la perception des citoyens et une deuxième partie consacrée à l’analyse des initiatives de lutte contre la corruption.

De la méthodologie de l’étude,

Le sondage 2015 a été réalisé du 2 au 16 novembre 2015 dans 1es 13 chefs-lieux de régions plus la ville de Pouytenga. Elle a concerné 2000 personnes parmi la population âgée de 20 ans et plus. L’enquête a été réalisée sur la base d’un échantillonnage par quota tiré de la population issue du Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH) 2006. Pour ce faire, la population de chacune des villes a été stratifiée selon le sexe, l’âge, et la catégorie socioprofessionnelle.

En outre, une revue documentaire a été effectuée, avec pour objectif de produire une analyse critique des actions menées par les différents acteurs.

Mesdames, Messieurs

Que peut-on retenir du rapport 2015?

De la perception de la fréquence de la corruption

Pour 87,4% des enquêtés, les faits et pratiques de corruption sont fréquents voire très fréquents au Burkina Faso. Cette perception n’est pas significativement différente selon le sexe (88% des hommes contre 85% des femmes). Une comparaison avec 2013 et 2014 montre que la perception de la fréquence de la corruption a légèrement baissé. Elle était de 96% en 2013 et de 91% en 2014. Ces résultats en raison de leur variabilité sont différents de ceux de Transparency internationale qui a tablé sur la constance de la note du Burkina (38/100) au cours de ces 4 dernières années.

Quelques avis de personnes qui estiment que la corruption est fréquente.

«Certains agents s’attendent à des rétributions illégales en contrepartie des services demandés» témoigne une enseignante de 48 ans à Bobo. «La plupart des citoyens manifeste une opposition quand on leur parle de la corruption, mais s’y conforme sans peine dans leurs actes quotidiens face à des opportunités de corruption» (un religieux de 58 an à Banfora).

Cependant il existe de rares citoyens qui estiment que la corruption est inexistante (3,4%) comme cet indépendant de 38 ans à Dori «je n’ai pas eu l’occasion d’observer ces pratiques dans les services que je fréquente».

Au total, 262 personnes soit 13,2% ont déclaré avoir fait personnellement une expérience de corruption (offre ou réception de rétribution illégale).

Des expériences de corruption

Pour l’année 2015, 245 personnes, soit 12,3% de l’ensemble des enquêtés ont déclaré avoir offert une ou des rétributions illégales afin de bénéficier dans une administration publique d’un service non soumis à paiement. Témoignage d’un commerçant de 42 ans à Ouagadougou «les gens des impôts qui passent de boutiques en boutiques chaque année pour l’impôt annuel m’ont dit que ma taxe professionnelle coutait 50 000 FCFA et qu’ils pouvaient me faire un rabais à deux conditions. Premièrement que j’accepte payer 40 000 FCFA comptant et deuxièmement que j’accepte recevoir un reçu de 25 000 FCFA. J’ai accepté cet arrangement et chacun est rentré dans ses comptes». En rappel un témoignage similaire avait été fait dans le rapport 2014.

Des services perçus comme les plus corrompus

Le trio de tête des services perçus comme les plus corrompus reste inchangé. Marchés publics, douane et police municipale sont respectivement classés 1er ; 2ème et 3ème. La DGTTM occupe la 4ème place, les impôts la 5ème et la justice la 6ème place. Les marchés publics ont été notamment analysés dans la deuxième partie comme étant une caverne d’Ali Baba. Du reste, c’est ce qui a conduit beaucoup de ministres de la quatrième République à un séjour à la MACO (maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou).

Cette année, deux services font leur apparition dans le classement mais heureusement en queue de peloton. Il s’agit de la CNSS et de la CARFO classées respectivement 17ème et 18ème.

En définitive, les usagers restent dans un autre registre, moyennement satisfaits des prestations des services publics. 58,8% sont moyennement satisfaits contre 26,6% qui sont très satisfaits.

Des initiatives en matière de lutte contre la corruption

L’analyse des initiatives dans ce domaine montre une nette amélioration de l’environnement institutionnel et législatif de lutte contre la corruption en 2015. L’adoption de la loi portant prévention et répression de la corruption par le gouvernement de la Transition, ensuite parachevé par le Conseil national de la Transition constitue l’un des plus grands acquis en matière de lutte contre la corruption au cours de ces dernières décennies au Burkina Faso et même en Afrique.

Cette loi fait du Burkina un des rares pays conforme, à la Convention des Nations unies contre la corruption dans une très large mesure.

Le rapport note également la réforme de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC). Cette réforme renforce l’indépendance de l’ASCE-LC ainsi que ses pouvoirs en matière de lutte contre la corruption.

L’adoption des lois portant modifications du statut de la magistrature et du conseil supérieur de la magistrature qui renforcent l’indépendance des magistrats surtout ceux du parquet a été notée comme une amélioration significative dans l’environnement institutionnel.

Tout en saluant ces améliorations institutionnelles et législatives pendant la Transition, le rapport regrette cependant le manque d’exemplarité qui a caractérisé la conduite des affaires pendant la période de la Transition.

Mesdames et messieurs,

Depuis des années le REN-LAC et bien d’autres acteurs consentent d’importants efforts en matière de lutte anti-corruption au Burkina Faso. Le rapport a reconnu le rôle de sentinelles joué dans la gouvernance par le REN-LAC mais également par les medias. Sur cette base quelques recommandations ont été faites. Il s’agit entre autres :

– de la mise en place effective d’une chaine pénale spéciale pour sanctionner les crimes économiques,

– de l’amélioration du contrôle de la commande publique,

– de l’exclusion définitive des procédures de mise en concurrence des marchés publics, des entreprises déclarées deux fois défaillantes ou épinglées pour des faits d’atteinte à la probité ou coupables de fraude fiscale,

– de la construction d’une coalition forte pour mener le plaidoyer, l’interpellation et la mobilisation en vue d’influencer l’action des pouvoir publics notamment en matière de lutte contre l’impunité des crimes économiques. Etc.

Mesdames, Messieurs

Au niveau du REN-LAC, nous savons que nous sommes attendus et plus encore, interpelés sur le contenu de notre rapport pour permettre davantage des actions ciblées en matière de lutte contre la corruption dans les services publics.

En vue de répondre à cette attente et dans le cadre de notre plan stratégique à venir nous sommes déjà dans un processus de réflexion qui devrait aboutir à une amélioration du contenu du rapport. Ces réflexions devraient nous permettre également d’instaurer dans le cadre de ce plan, à l’instar du PLAC (Prix de la lutte anti-corruption) un prix de la transparence pour encourager les services qui ont consenti des efforts en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption.

Je voudrais avant de terminer mon propos, traduire ma reconnaissance à tous nos partenaires, j’ai nommé la Coopération Suisse, l’Ambassade du Royaume du Danemark, l’Ambassade de France, la KFW, l’ONG Diakonia, le PNUD, le PRGP, qui soutiennent inlassablement nos activités de lutte contre la corruption.

Je salue nos partenaires nationaux de lutte que sont l’ASCE-LC, l’ARCOP, la CENTIF pour ne citer que ceux-là, pour la bonne collaboration que nous avons entamée et qui nous commande de ne jamais relâcher afin de produire davantage une synergie d’actions dans la lutte contre la corruption.

A toutes et à tous, je vous souhaite une agréable lecture de ce rapport. Le REN-LAC vous donne rendez-vous sur le terrain de la lutte anti-corruption mais aussi prend rendez-vous avec vous pour la présentation du rapport 2016.

Je vous remercie.

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