Déclaration liminaire à la conférence de presse du REN-LAC sur les scandales de corruption révélés.

Déclaration liminaire à la conférence de presse du REN-LAC sur les scandales de corruption révélés.

Chers amis de la presse, partenaires de lutte contre la corruption,

Mesdames et messieurs,

Au nom du Secrétariat Exécutif du REN-LAC, je vous remercie d’être venus nombreux, ce matin à cette conférence de presse. Nous avons tenu à organiser cette conférence de presse pour répondre à quatre préoccupations majeures :

  • la multiplication, au cours des années 2016 et 2017, des dénonciations de scandales de corruption dans la presse;
  • les malversations révélées par le rapport 2015 de l’ASCE-LC qui pointe du doigt une foule de fautes de gestion dont le cumul s’élève à plus de 31 milliards FCFA entre 2012 et 2014;
  • la quasi absence de signal inédit et fort donné par les autorités actuelles pour lutter contre la corruption ;
  • l’impunité persistante des crimes économiques.

Malgré les efforts consentis par  les différents acteurs de la lutte contre la corruption au Burkina Faso, les cas de dénonciation du phénomène mis au jour ces derniers temps montrent que la situation de la mal gouvernance reste inquiétante voire très préoccupante. L’actualité marquée par une pléthore de dénonciations de  cas de détournements et autres malversations (manquant de caisse, absence de pièces justificatives des dépenses, etc.) laisse plus d’un citoyen sans voix et pantois.

Le renforcement du dispositif juridique, institutionnel et celui de l’appareil judiciaire sont des mesures fortes qui auraient dû permettre de réduire l’impunité des cas de corruption et des crimes économiques. Toutefois, la quasi absence de volonté politique se traduisant par la non mise en œuvre des mécanismes de prévention et de répression prévus par ce dispositif juridique, laisse libre cours à l’impunité et au développement des mauvaises pratiques.

Le mal demeure profond et la chienlit s’est installée. Il faut désormais que les autorités aillent au-delà des discours, car les citoyens n’attendent plus du pouvoir en place que des actes concrets et salvateurs. La tolérance zéro contre la corruption prônée par le premier ministre, Paul Kaba Thiéba semble avoir fait long feu. En effet nous avons constaté juste quelques actions d’éclats, laissant tapis dans l’ombre de vrais acteurs de la corruption. Comme nous l’ont révélé en octobre dernier, malgré les rapports d’enquêtes parlementaires sur le foncier, sur les mines et tout récemment les rapports publics 2015 de la Cour des Comptes et de l’ASCE-LC, les gros poissons continuent de se pavaner, fiers de narguer le peuple. De vastes réseaux de corruption établis depuis des années touchant le sommet de l’Etat et traçables à tous les échelons jusqu’à la base ont été démasqués. Nous attendons qu’une suite judiciaire soit donnée à ces différents rapports.

Sur les scandales de corruption.

Nous assistons depuis peu à un spectacle affligeant pour tout citoyen épris de justice et de transparence. Si cette multiplication des dénonciations des cas de malversation et de détournement de deniers publics est à mettre à l’actif de la presse d’investigations et des acteurs de  lutte contre la corruption que nous sommes, il ne faut pas oublier qu’elle trouve également son fondement dans les pratiques d’impunité nourries et entretenues depuis maintenant plusieurs années. Le manque de transparence et de redevabilité dans les administrations a promu le reste.

L’affaire Inoussa KANAZOE PDG du  groupe Kanis International et de l’entreprise CIMFASO se présente comme un cas emblématique de la fraude fiscale à grande échelle qui a cours dans les grandes entreprises du Burkina Faso. Interpellé et mis sous mandat de dépôt courant avril 2017 avec certains de ses collaborateurs dans le cadre d’une procédure judiciaire, celui-ci bénéficie depuis le 22 mai 2017 d’une liberté provisoire après avoir versé une caution dérisoire de 700 millions de FCFA. De même, l’affaire TAPSOBA Paulin, un tout autre scandale de fraude fiscale impliquant un vaste réseau criminel a donné lieu à des libertés provisoires qui masquent mal une impunité en gestation. En effet, dans le traitement de cette affaire, des pressions malsaines et condamnables ont été exercées par de hautes autorités pour couvrir d’impunité leurs proches.   Nous attendons de la justice qu’elle fasse la lumière sur ces affaires et détermine avec précision les dommages subis par le contribuable burkinabé. Nous invitons également la justice à élucider les cas de malversation de plus de 200 millions au SIAO, 400 millions au Fonds d’entretien routier, 650 millions au Conseil supérieur de la communication.

Nous avons été sidérés par la passivité du ministre de la Sécurité face au cas de la Police nationale qui constitue un manquement grave dans un service hautement stratégique de notre pays. Selon le rapport de l’Inspection générale des services du Ministère en charge de la sécurité, les prélèvements faits sur les sociétés minières épinglent 28 hauts gradés de la police burkinabè qui ont empoché à eux seuls 131 millions de FCFA en 14 mois ! Nous attendons que les résultats de cette investigation soient rendus publics et qu’une suite diligente soit donnée à cette affaire. Seul ce travail d’assainissement ramènera la sérénité dans les rangs de ce corps.

 Sur le rapport de l’Autorité Supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC).

C’est avec indignation profonde que nous avons pris connaissance des résultats des investigations portant sur le rapport général  2015 publié par l’ASCE-LC. L’état des malversations cumulées est d’un peu plus de 31 milliards de francs CFA. L’audit  de la présidence du Faso, donne des chiffres ahurissants. Blaise COMPAORE doit 3 milliards 827 millions de FCFA, son conseiller spécial et frère cadet François COMPAORE plus de 6 milliards de FCFA; 4 milliards de FCFA doivent être remboursés par Niampa Jacques (directeur des infrastructures de la présidence). En outre Kosyam ne disposait pas d’une comptabilité matière et certaines dépenses étaient faites sans pièces justificatives,… : la présidence était donc devenue, une vraie caverne d’Ali Baba achalandée par une délinquance financière incommensurable.

Le même rapport nous apprend qu’il y a eu des malversations à la Société de transformation des fruits et légumes de Loumbila où l’ancienne Directrice générale doit à l’Etat plus de 2,1 milliards de FCFA. Nous nous en tiendrons à ces exemples, tant les cas de malversations sur la période foisonnent dans ce rapport. La suite judiciaire que nous appelons de tous nos vœux, nous permettra d’en savoir davantage.

En 2016 l’affaire ONATEL SA–Douane a fait couler beaucoup d’encre et de salive. L’Etat burkinabè a montré son goût plutôt immodéré pour le laxisme dans ce dossier. Le Conseil des ministres du mercredi 1er Février 2017 reconnait avec nous, la tricherie de même que la tentative d’arnaque et instruit le MINEFID de recouvrer les droits de douanes dus qui s’élèvent 7 milliards au titre des taxes et droits non négociables. Enfin sous l’égide du ministère, de nouvelles discussions peuvent s’ouvrir pour négocier avec l’ONATEL le montant des amendes. L’ONATEL botte en touche et affiche son refus catégorique de payer le moindre copeck à l’Etat! Curieusement notre Etat semble s’en accommoder. Toutes ces sommes dilapidées, si elles étaient recouvrées peuvent contribuer utilement à améliorer la qualité du  service public dans les secteurs de la santé et de l’éducation quasiment abandonnés par l’Etat. Nous ouvrons une parenthèse pour fustiger au passage les dépenses de prestige annoncées lors du conseil des ministres du mercredi 06 juin 2017 pour l’acquisition de véhicules neufs pour le parc automobile de l’Etat pendant que nos hôpitaux sont dans un état de dénuement total. A la date du lundi 12 juin 2017, le scanner du CHU Yalgado OUEDRAOGO en panne depuis un mois n’était toujours pas réparer ! Par ailleurs, l’approvisionnement de l’hôpital en oxygène fait l’objet de fréquentes ruptures !

Sur la persistance de l’impunité des crimes économiques.

Trop de dossiers trainent en justice et cette situation est, à notre avis, inacceptable et de plus en plus intolérable. L’arrêt de la cour de cassation intervenu en août dernier dans le dossier Ousmane GUIRO a donné espoir aux acteurs de la lutte anticorruption. Mais le nouveau jugement du dossier reste toujours  attendu. L’ASCE-LC affirme avoir transmis depuis sa création, plus de  80 dossiers de crimes économiques aux différentes juridictions du Burkina Faso. Ces dossiers s’ajoutent à ceux transmis par la CENTIF qui s’entassent dans  les tiroirs de la justice. En effet, la majeure partie des dossiers n’a pas encore connu un dénouement judiciaire.

Comme nous l’avons souligné dans notre adresse lors de la XVIIe Assemblée générale ordinaire du REN-LAC, nous souhaitons vivement que l’opérationnalisation de l’ASCE-LC et la mise en place  des pôles judiciaires spécialisés dans la répression des infractions économiques et financières, accélèrent le traitement des affaires de crimes économiques. Il serait en outre souhaitable que la justice communique davantage sur l’évolution des dossiers afin que les citoyens comprennent l’état d’avancement de ces derniers ainsi que les difficultés liées à leurs traitements.

Les différentes dénonciations montrent qu’il y a des efforts à faire, notamment dans la prévention des actes de corruption. Pour donner libre cours aux actions de prévention de la corruption, la transparence et le contrôle doivent être accentués et promus. Or les orientations actuelles ne semblent pas donner de garanties allant dans ce sens. En attestent les intentions manifestes d’allègement du contrôle a priori dans le cadre de la commande publique.

Enfin, nous appelons à une mobilisation populaire forte et sans concession contre la corruption et pour une meilleure gouvernance politique, économique et sociale, seules garantes de paix, de stabilité, et de progrès social.

 Je  vous remercie

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