Pour le REN-LAC, le coup d’État du MPSR dénie au peuple sa capacité d’organisation pour imposer aux dirigeants la prise en compte de ses aspirations profondes

Ce jeudi 24 février 2022 fait un mois jour pour jour que notre pays, le Burkina Faso, vit de nouveau sous le joug d’un régime militaire, après la courte période de régime civile dirigé par Roch Marc Christian KABORÉ et son parti, le Mouvement du Peuple pour le Progrès (MPP).

La déclaration de prise du pouvoir du MPSR a été lue à la Radio-Télévision du Burkina (RTB) par le Capitaine Sidsoré Kader Ouédraogo, pilote au sein de l’armée de l’air burkinabè. Ouagadougou. 24 janvier 2022. Capture d’écran

Tout est parti de la nuit du 22 au 23 janvier où les Burkinabè se sont réveillés au petit matin avec des tirs nourris dans certaines casernes militaires du pays. Aux rumeurs de mutineries rapidement véhiculées par les autorités, se sont substituées celles d’un coup d’État militaire. Ces rumeurs seront par la suite confirmées au soir du lundi 24 janvier, lorsqu’un groupe de militaires se réclamant du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) annonçait à la Télévision nationale avoir pris le pouvoir et mis aux arrêts le Président du Faso, Roch Marc Christian KABORÉ, dissout le Gouvernement ainsi que l’Assemblée nationale et suspendu la constitution.

Par ailleurs, il déclarait que ce coup d’État s’était déroulé sans effusion de sang. Mais aujourd’hui, il s’avère qu’on a enregistré deux morts et une dizaine de blessés.

Présidé par le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo DAMIBA, le MPSR justifiait ce coup de force par « la dégradation continue de la situation sécuritaire et l’incapacité manifeste du pouvoir de M. Roch Marc Christian KABORÉ à unir les Burkinabè pour faire face efficacement à la situation ».

À l’analyse, force est de constater que les six dernières années du régime KABORÉ ont été marquées par une mauvaise gouvernance, bafouant les fortes aspirations du peuple burkinabè à un changement qualitatif après l’insurrection populaire d’octobre 2014 et la résistance populaire victorieuse au coup d’État de septembre 2015. Cette gouvernance chaotique, sur fond de corruption à ciel ouvert, a favorisé l’exacerbation de la crise sécuritaire avec des pans entiers du territoire national qui échappent actuellement au contrôle de l’État.

Depuis 2015, la crise sécuritaire a causé plus de 2000 victimes civiles et militaires et environ un million et demi de déplacés internes. Pourtant, le REN-LAC n’a cessé d’interpeller le Président déchu et ses différents gouvernements sur la nécessité d’impulser une dynamique de bonne gouvernance, empreinte d’exemplarité, au sommet de l’État. À ce titre, on peut citer sans être exhaustif :

  • la transmission d’un mémorandum sur l’état de la gouvernance au Chef de l’État en mars 2018 ;
  • l’envoi de deux lettres d’interpellation au Chef de l’État en novembre 2019 et en avril 2020 sur l’état de la lutte anti-corruption  ;
  • l’organisation, avec l’Autorité supérieure de Contrôle d’État et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC), d’une tribune d’interpellation des trois pouvoirs constitutionnels sur la lutte contre la corruption en novembre 2021.

Toutes ces interpellations citoyennes sont restées sans suite, ouvrant la voie royale à un dixième putsch militaire, selon les cas dénombrés, dans l’histoire de notre pays, sous la conduite cette fois du MPSR.

En tant qu’organisation attachée aux valeurs et aux principes cardinaux de l’État de droit, le REN-LAC désapprouve le coup d’État comme moyen d’accession au pouvoir. De fait, il condamne ce coup de force du MPSR qui constitue un facteur de recul démocratique, en ce sens qu’il dénie au peuple sa capacité à s’organiser pour imposer aux dirigeants la prise en compte de ses aspirations profondes.

Nous notons que dans leurs discours, les autorités du MPSR indiquent que si les priorités sont nombreuses, la principale demeure la lutte contre le terrorisme pour la « restauration » de l’intégrité territoriale. Toutefois, le REN-LAC reste convaincu que la lutte contre la corruption et la mal gouvernance doit être au centre des priorités actuelles à travers une rupture avec les pratiques anciennes décriées sous les régimes du CDP et du MPP.  

Dans cette optique, les secteurs ministériels dont ceux de la sécurité et de la défense ainsi que les collectivités territoriales doivent être urgemment audités pour faire la lumière sur leurs gestions précédentes, afin d’ouvrir les chantiers d’une nouvelle gouvernance bâtie sur la transparence et la redevabilité. L’exemplarité doit être le leitmotiv de l’action gouvernementale et de tous ceux appelés à assumer des responsabilités quelconques à quelque niveau que ce soit.

Malheureusement, ce qu’il nous a été donné de voir ces derniers temps, avec notamment les entorses juridiques qui ont entouré la prestation de serment du Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo DAMIBA comme Président du Faso devant le Conseil constitutionnel, de même que les agitations actuelles de certaines Organisations de la Société civile (OSC) appelant à soutenir le MPSR, nous laisse perplexe quant à un changement de paradigme pour une gouvernance conforme aux aspirations populaires.

Faut-il rappeler au MPSR que, tout comme la corruption électorale décriée qui enlève toute légitimité aux dirigeants élus pour gouverner la cité, les mobilisations populaires suscitées çà et là par les différents pouvoirs ont suffisamment démontré leur limite, depuis 2013, en tant qu’indicateur véritable de l’adhésion populaire à l’action gouvernementale ?

En tout état de cause, le REN-LAC ne ménagera aucun effort pour jouer pleinement sa partition, en tant qu’organisation dont la vision est l’avènement d’une société burkinabè engagée, dans son ensemble, pour la défense et la promotion de l’intégrité et de la bonne gouvernance. Il œuvrera toujours pour l’éveil des consciences en vue de renforcer la veille et le contrôle citoyens de l’action publique, seule arme efficace pour une gouvernance vertueuse.

Fait à Ouagadougou le 24 février 2022

Le Secrétariat exécutif

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