Situation nationale
Déclaration du REN-LAC
Les journées des 30 et 31 octobre 2014 ont marqué le dénouement d’une longue crise, en faveur du Peuple burkinabè. En effet, à travers un puissant mouvement populaire insurrectionnel, il a été mis fin au règne de M. Blaise COMPAORE, renversé et contraint, avec ses principaux dignitaires à la fuite. Les dernières frasques du Président Blaise COMPAORE ont consisté en son entêtement à sauter le verrou de la limitation du nombre de mandats présidentiels pour s’assurer un pouvoir à vie. Malgré les avertissements, les conseils, voire les menaces et risques de chaos dont était porteur cet entêtement d’un dictateur hors du commun, la volonté de passer en force s’est imposée, à travers l’adoption d’un projet de loi par un Conseil extraordinaire des ministres, à charge pour les députés acquis de l’entériner le 30 Octobre 2014 ou à défaut, d’ouvrir la voie pour un référendum dont l’issue favorable à M. COMPAORE semblait certaine.
Dès lors, édifié par les multiples plans et intrigues machiavéliques du Président Blaise COMPAORE le Peuple burkinabé, en particulier sa frange jeune, est descendu massivement dans la rue à l’appel de partis politiques et d’organisations de la société civile, pour exprimer son rejet de cette velléité de « monarchisation » du pouvoir. A travers toutes les régions du pays, les manifestants ont occupé les rues dès le 28 Octobre 2014, avec comme objectif d’empêcher le passage en force de M. COMPAORE, quelle que soit sa forme.
Le 30 octobre, jour fatidique, a marqué le point culminant des manifestations, sous sa forme insurrectionnelle, avec la prise de l’Assemblée nationale et de la RTB. A l’occasion, les manifestants s’en sont violemment pris aux symboles du régime et à des édifices publics, notamment les locaux du CDP et de ses partis et associations satellites, les domiciles des principaux dignitaires du régime COMPAORE, l’Assemblée nationale, le palais de justice de Bobo, qu’ils ont saccagés et incendiés. Ils ambitionnaient la prise du palais présidentiel pour en déloger son inamovible hôte, quel qu’en soit le prix. Pour ce faire, la jeunesse mobilisée était prête à offrir sa poitrine aux balles meurtrières des défenseurs surarmés du palais.
Face à ce puissant mouvement populaire, le pouvoir de la IVème République a fait abattre une répression féroce sur les manifestants, faisant de nombreux morts et de nombreux blessés, ce qui du reste, n’a pas empêché la chute de Blaise COMPAORE et sa fuite vers la Côte d’Ivoire.
Le REN-LAC saisit cette occasion pour exprimer sa compassion à toutes les personnes ayant été affectées par lesdits évènements. Il s’incline devant la mémoire des martyrs auxquels il rend un vibrant hommage, et présente ses condoléances les plus attristées aux familles éplorées. Il souhaite aux nombreux blessés un prompt rétablissement et lance un appel aux populations à manifester leur solidarité à leur égard. Par la même occasion, le REN-LAC salue le courage et la maturité du Peuple burkinabè, particulièrement sa jeunesse, qui a bravé les balles assassines du régime COMPAORE dans la quête d’un changement et d’une émancipation véritables. Il salue cette victoire d’étape arrachée, qui marque la chute du pouvoir de la IVème République et condamne fermement les velléités des clans putschistes de l’armée de confisquer cette victoire. En effet, l’euphorie de cette victoire d’étape n’autorise pas à perdre de vue d’autres risques en perspectives. C’est pourquoi le REN-LAC soutiendra toujours le Peuple, sa jeunesse en particulier, dans sa lutte empreinte de vigilance, en vue de parvenir au changement fondamental qui répondra à ses aspirations réelles et profondes.
Cette insurrection populaire traduit non pas seulement une soif de changement d’homme à la tête de l’Etat, mais un net rejet du système de gouvernance bâti sur la corruption et l’impunité longtemps dénoncées par le REN-LAC. Sous l’ère COMPAORE, tout semblait en effet, indiquer que la corruption, le pillage des ressources publiques et le bradage des ressources minières avaient été décrétés, voire institutionnalisés ! Le processus en cours pour assurer la transition vers de nouvelles élections, doit en tenir compte afin de prendre la bonne mesure de la nécessité de restituer au Peuple tout ce qui lui a été volé. Le recouvrement des avoirs et biens mal acquis est un principe fondamental de la Convention des Nations Unies contre la corruption qui exige des Etats (paradis fiscaux, banquiers du monde, etc.) qu’ils restituent les fruits de la corruption et les biens volés aux pays spoliés. Il est particulièrement important pour de nombreux pays en développement comme le Burkina Faso, où de hauts responsables ont pillé les richesses nationales et où les nouvelles autorités ont grand besoin de ressources pour la reconstruction et la remise sur pied de la société. Il est d’une absolue nécessité que des actions soient entreprises par les nouvelles autorités dans le sens du gel, du recouvrement et de la restitution au Peuple burkinabè, des avoirs et biens mal acquis de M. COMPAORE et de ses proches, ainsi que ceux des dignitaires de son régime.
Des signaux forts doivent également être donnés dans le sens de la lutte contre l’impunité. Le processus de transition doit aussi permettre de poser les jalons d’une nouvelle gouvernance fondée sur la transparence, l’intégrité, la probité, le sens de responsabilité et la reddition de compte, afin d’imprimer la marche à suivre aux autorités qui auront la lourde charge de présider aux destinées de la nation après la transition. Dans ce sens, il s’avère nécessaire que tous les animateurs des différents organes de la transition, soient soumis à l’exigence de la déclaration de patrimoine dans la transparence (rendue publique) avant et après leur entrée en fonction. Tous les acteurs politiques et de la société civile doivent tirer leçon de cette situation afin que des principes de gouvernances politiques, économiques et sociales puissent être adoptés pour garantir une démocratie réelle, juste et équitable. Il y va de l’intérêt de tous !
Eu égard à la situation, le REN-LAC, tout en réitérant sa condamnation de la féroce répression abattue sur les manifestants lors de cette insurrection populaire, des actes de pillages ayant émaillé ces manifestations et les velléités de confiscation de la victoire du Peuple :
– exige la lumière sur tous les crimes de sang commis à l’occasion de cette insurrection populaire ;
– exhorte les autorités qui présideront aux destinées du Burkina Faso à faire valoir le droit à restitution du Peuple burkinabè en engageant toutes les actions utiles pour le gel et le recouvrement des avoirs volés au Peuple par les dignitaires du régime de la IVème République ;
– appelle les Etats susceptibles d’abriter des avoirs de M. Blaise COMPAORE et ses proches, ainsi que ceux des dignitaires de son régime déchu à coopérer avec l’Etat burkinabè dans le sens du recouvrement et de la restitution au Peuple burkinabé de ce qui lui a été volé ;
– propose la soumission de tous ceux qui seront appelés à animer les organes de la transition à l’exigence de la déclaration de patrimoine dans la transparence (rendue publique), avant et après leur prise de fonction ;
– demande avec insistance que tous les dossiers de corruption et de crimes économiques pendants devant les juridictions ainsi que les nombreux autres cas dénoncés mais qui sont demeurés jusque-là sans suite adéquate soient élucidés;
– invite instamment tous ceux qui auraient en leur possession, une quelconque pièce pouvant servir comme preuve de corruption d’un dignitaire de la IVème République, à saisir le REN-LAC en appelant le numéro vert : 80 00 11 22 ou en se déplaçant à son siège.
– suggère que soient considérés comme dossiers urgents : l’examen et l’adoption de la proposition de loi anti-corruption (version REN-LAC/ Réseau BURKINDI) ; la réforme de la justice pour la rendre indépendante et plus efficace ; la création d’une commission indépendante anti-corruption composée des représentants de l’Etat, de la société civile et du secteur privé.
Fait à Ouagadougou le 11 novembre 2014
Le Réseau National de Lutte Anti-Corruption