Etat de la corruption au Burkina : Marchés publics, Douanes, et Police municipale occupent les 3 premières places dans le classement.

Etat de la corruption au Burkina : Marchés publics, Douanes, et Police municipale occupent les 3 premières places dans le classement.

Le Réseau national de lutte anticorruption (REN-LAC) a lancé le jeudi 30 juin 2016 son rapport 2015 sur l’état de la corruption au Burkina. Le rapport 2015 comporte 119 pages, outre la méthodologie, il comprend deux parties. Une partie qui analyse la perception des citoyens et une deuxième partie consacrée à l’analyse des initiatives de lutte contre la corruption.

 

DSC00870_traitéLe sondage 2015 a été réalisé du 2 au 16 novembre 2015 dans 1es 13 chefs-lieux de régions plus la ville de Pouytenga. Elle a concerné 2000 personnes parmi la population âgée de 20 ans et plus. L’enquête a été réalisée sur la base d’un échantillonnage par quota tiré de la population issue du Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH) 2006. Pour ce faire, la population de chacune des villes a été stratifiée selon le sexe, l’âge, et la catégorie socioprofessionnelle.

En outre, une revue documentaire a été effectuée, avec pour objectif de produire une analyse critique des actions menées par les différents acteurs.

De la perception de la fréquence de la corruption

DSC00877_traitéPour 87,4% des enquêtés, les faits et pratiques de  corruption sont fréquents voire très fréquents au Burkina Faso. Cette perception n’est pas significativement différente selon le sexe (88% des hommes contre 85% des femmes). Une comparaison avec 2013 et 2014 montre que la perception de la fréquence de la corruption a légèrement baissé. Elle était de 96% en 2013 et de 91% en 2014. Ces résultats en raison de leur variabilité sont différents de ceux de Transparency internationale qui a tablé sur la constance de la note du Burkina (38/100) au cours de ces 4 dernières années.

Quelques avis de personnes qui estiment que la corruption est fréquente.

DSC00875_traité«Certains agents s’attendent à des rétributions illégales en contrepartie des services demandés» témoigne une enseignante de 48 ans à Bobo. «La plupart des citoyens manifeste une opposition quand on leur parle de la corruption, mais s’y conforme

sans peine dans leurs actes quotidiens face à des opportunités de corruption» (un religieux de 58 an à Banfora).

Cependant il existe de rares citoyens qui estiment que la corruption est inexistante (3,4%) comme cet indépendant de 38 ans à Dori «je n’ai pas eu l’occasion d’observer ces pratiques dans les services que je fréquente».

Au total, 262 personnes soit 13,2% ont déclaré avoir fait personnellement une expérience de corruption (offre ou réception de rétribution illégale).

DSC00864_traité_2Des expériences de corruption

Pour l’année 2015, 245 personnes, soit 12,3% de l’ensemble des enquêtés ont déclaré avoir offert une ou des rétributions illégales afin de bénéficier dans une administration publique d’un service non soumis à paiement. Témoignage d’un commerçant de 42 ans à Ouagadougou «les gens des impôts qui passent de boutiques en boutiques chaque année pour l’impôt annuel m’ont dit que ma taxe professionnelle coutait 50 000 FCFA et qu’ils pouvaient me faire un rabais à deux conditions. Premièrement que j’accepte payer 40 000 FCFA comptant et deuxièmement que j’accepte recevoir un reçu de 25 000 FCFA. J’ai accepté cet arrangement et chacun est rentré dans ses comptes». En rappel un témoignage similaire avait été fait dans le rapport 2014.

DSC00861_traitéDes services perçus comme les plus corrompus

Le trio de tête des services perçus comme les plus corrompus reste inchangé. Marchés publics, douane et police municipale sont respectivement classés 1er ; 2ème et 3ème. La DGTTM occupe la 4ème place, les impôts la 5ème  et la justice la 6ème place. Les marchés publics ont été notamment analysés dans la deuxième partie comme étant une caverne d’Ali Baba. Du reste, c’est ce qui a conduit beaucoup de ministres de la quatrième République à un séjour à la MACO (maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou).

Cette année, deux services font leur apparition dans le classement mais heureusement en queue de peloton.  Il s’agit de la CNSS et de la CARFO classées respectivement 17ème et 18ème.

En définitive, les usagers restent dans un autre registre, moyennement satisfaits des prestations des services publics. 58,8% sont moyennement satisfaits contre 26,6% qui sont très satisfaits.

DSC00859_traitéDes initiatives en matière de lutte contre la corruption

L’analyse des initiatives dans ce domaine montre une nette amélioration de l’environnement institutionnel et législatif de lutte contre la corruption en 2015. L’adoption de la loi portant prévention et répression de la corruption par le gouvernement de la Transition, ensuite parachevé par le Conseil national de la Transition constitue l’un des plus grands acquis en matière de lutte contre la corruption au cours de ces dernières décennies au Burkina Faso et même en Afrique.

Cette loi fait du Burkina un des rares pays conforme, à la Convention des Nations unies contre la corruption dans une très large mesure.

Le rapport note également la réforme de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC). Cette réforme renforce l’indépendance de l’ASCE-LC ainsi que ses pouvoirs en matière de lutte contre la corruption.

L’adoption des lois portant modifications du statut de la magistrature et du conseil supérieur de la magistrature qui renforcent l’indépendance des magistrats surtout ceux du parquet a été notée comme une amélioration significative dans l’environnement institutionnel.

Tout en saluant ces améliorations institutionnelles et législatives pendant la Transition, le rapport regrette cependant le manque d’exemplarité qui a caractérisé la conduite des affaires pendant la période de la Transition.

Des recommandations

Depuis des années le REN-LAC et bien d’autres acteurs consentent  d’importants efforts en matière de lutte anti-corruption au Burkina Faso. Le rapport a reconnu le rôle de sentinelles joué dans la gouvernance par le REN-LAC mais également par les medias. Sur cette base quelques recommandations ont été faites. Il s’agit entre autres :

– de la mise en place effective d’une chaine pénale spéciale pour sanctionner les crimes économiques,

– de l’amélioration du contrôle de la commande publique,

– de l’exclusion définitive des procédures de mise en concurrence des marchés publics, des entreprises déclarées deux fois défaillantes ou épinglées pour des faits d’atteinte à la probité ou coupables de fraude fiscale,

– de la construction d’une coalition forte pour mener le plaidoyer, l’interpellation et la mobilisation en vue d’influencer l’action des pouvoir publics notamment en matière de lutte contre l’impunité des crimes économiques.

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