Journée internationale de la lutte contre la corruption. Message conjoint des organisations de lutte contre la corruption.
Le 9 décembre de chaque année, le monde entier commémore la journée internationale de la lutte contre la corruption. Instituée en 2003 par les Nations Unies, la commémoration de cette journée vise à faire prendre conscience des méfaits de la corruption et de la nécessité de la combattre.
Cette année 2016, les Nations Unies ont choisi de la placer sous le thème, « La corruption : une entrave à l’atteinte des Objectifs de développement Durable », avec pour slogan, « Unis contre la corruption pour la paix et la sécurité !». Le thème et le slogan ainsi retenus, mettent fort pertinemment en exergue, l’impact destructeur de la corruption et la nécessité d’une synergie des acteurs pour la combattre. Comme on le sait tous, la corruption dissipe les ressources publiques, affaiblit les systèmes d’éducation et de santé, ronge la crédibilité nécessaire et la confiance en l’Etat de droit et les systèmes de justice pénale. Et si elle est préjudiciable à tous, ce sont, en particulier, les groupes pauvres et vulnérables qui en souffrent le plus.
Faisant écho au slogan de la Journée, les acteurs étatiques et non étatiques de la lutte contre la corruption que nous sommes (Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC), Observatoire pour la Justice et la Démocratie (OJD), Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Réseau Africain des Journalistes pour l’Intégrité et la Transparence (RAJIT), Réseau Burkinabé des Jeunes Leaders pour l’intégrité (RBJLI) et Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC)), avons décidé de commémorer une fois de plus cette journée dans la synergie.
Cette commémoration intervient dans un contexte national fortement caractérisé par un certain nombre de scandales de corruption ou de malversations diverses, doublée d’une impunité persistante. En effet, aux résultats de l’audit de la transition et aux conclusions des enquêtes parlementaires diligentées dans les secteurs foncier et minier, se sont ajoutés divers scandales qui ont suscité et suscitent toujours une profonde indignation des burkinabé : affaire ONATEL, fraudes fiscales de 20 milliards au niveau des impôts, affaire des tablettes, etc.). Ces différentes révélations interviennent alors que l’on assiste à des libérations tous azimuts des anciens ministres et maires interpellés sous la transition sur la base des audits de l’ASCE-LC et des inspections techniques des services.
Le contexte national de commémoration est aussi marqué par une certaine réticence, voire résistance quant au respect et à l’application effective de la loi anti-corruption dont l’adoption en mars 2015, vaut au Burkina Faso d’être cité en exemple au plan mondial.
Une lueur d’espoir nous provient cependant du renforcement progressif de l’éveil et de la veille citoyenne contre la corruption et l’impunité, se traduisant par une forte exigence, non seulement de transparence et d’exemplarité dans la conduite des affaires publiques, mais aussi d’une lutte implacable contre l’impunité. La soif de justice qui tenaille les burkinabé est aujourd’hui plus que jamais manifeste !
C’est ce contexte national particulier qui nous a dicté le thème suivant pour la commémoration au plan national de cet évènement: « application de la loi anti-corruption : enjeux et défis », En effet, au-delà de l’adoption de cette loi qui vaut au Burkina Faso d’être cité en exemple, se dresse le défi de son application, la nécessité d’un engagement commun et ferme pour sa mise en œuvre diligente et effective.
Des acquis ont certes déjà été engrangés sur le double plan législatif et institutionnel comme peuvent l’attester :
- l’adoption des décrets d’application de la loi anti-corruption (fixation du seuil des dons, cadeaux et autres avantages en nature non soumis à déclaration ; la fixation du délai de transmission des déclarations d’intérêt et de patrimoine à l’ASCE-LC; la fixation du seuil relatif au délit d’apparence, etc.) ;
- la poursuite de l’opérationnalisation de la nouvelle ASCE-LC plus portée vers la prévention et la lutte contre la corruption ;
- le renforcement des garanties d’indépendance offerte à la justice à travers la relecture des statuts du corps de la magistrature et du Conseil supérieur de la magistrature ;
- la réforme des statuts des corps de contrôle de l’ordre administratif pour plus d’efficacité et d’indépendance ;
- le début de la mise en œuvre des techniques spéciales d’enquêtes dans la détection de la corruption et des infractions assimilées ;
- l’intensification des activités de prévention à travers les conférences, causeries-débats, représentations artistiques, films en direction des populations notamment sa frange jeune.
Toutefois, les défis qui se dressent sur le front anti-corruption demeurent encore importants, malgré ces acquis qu’il faut à tout prix préserver et défendre. Ces défis ne sauraient être relevés sans l’engagement actif de la part de chaque acteur. Cet engagement actif s’entend :
- Pour les gouvernants :
- de faire preuve de volonté politique réelle et sincère dans la lutte contre le phénomène de la corruption, en appliquant le principe de la « tolérance zéro » ;
- de donner l’exemple de l’intégrité à travers la déclaration régulière, sincère et à bonne date de leurs déclarations d’intérêt et de patrimoines conformément à la loi ; car le management et au plus haut niveau, doit donner l’exemple de l’anti-corruption non seulement dans les discours mais également et surtout dans les comportements, dans la gestion des deniers publics ;
- de faire de la lutte contre la corruption une cause nationale et de l’application effective de la loi anti-corruption une priorité absolue. Il en va de la préservation et de l’utilisation rationnelle des ressources limitées de notre pays ;
- d’œuvrer à l’implantation effective du dispositif institutionnel anti-corruption à travers notamment l’opérationnalisation de la nouvelle ASCE-LC et des pôles judiciaires économiques et financiers, la poursuite et le parachèvement de la réforme des inspections générales et techniques, la poursuite de l’implantation des comités anti-corruption, la dynamisation des conseils de disciplines ;
- Pour la justice :
- de s’investir réellement dans une lutte sans merci contre l’impunité des crimes économiques et de la corruption y compris en son sein;
- Pour les citoyens :
- de bannir la pratique du cadeau dans les relations professionnelles au sein de nos administrations ;
- de développer la conscience citoyenne de rejet de la corruption en la dénonçant et en se mobilisant avec détermination pour la combattre ;
- de renforcer davantage la veille citoyenne dans la lutte anti-corruption en exigeant toujours plus de transparence et des comptes aux gouvernants.
Tous ensembles, engageons-nous et assumons nos responsabilités pour un Burkina débarrassé de la corruption !
Bobo-Dioulasso le 9 décembre 2016
ASCE-LC – OJD – PNUD – RAJIT – RBJLI – REN-LAC