Burkina Faso : la corruption poursuit sa courbe ascendante

Les résultats du nouveau rapport annuel du REN-LAC sur l’état de la corruption au Burkina Faso, rendus publics ce mardi 06 décembre, montrent que le phénomène connaît un accroissement continu, depuis 2016. En 2021, plus de 8,5 Burkinabè sur 10 estiment que la corruption est fréquente voire très fréquente dans le pays. De quoi inquiéter.

Le REN-LAC a transmis les résultats de son rapport 2021 sur l’état de la corruption au Secrétaire général du Gouvernement ce mardi 06 décembre 2022

Entre 2016 et 2021, le niveau de la corruption au Burkina Faso a connu une hausse substantielle de 30 points, passant de 41 points à 71 points, d’après l’Indice synthétique de Perception de la Corruption (ISPC). L’ISPC mesure la perception des Burkinabè sur la fréquence et l’évolution du phénomène de la corruption. Sur un échantillon de 3000 Burkinabè enquêtés au cours de l’année 2021, il apparaît que 85,23% (plus de 8,5 personnes sur 10) estiment que la corruption est fréquente voire très fréquente dans le pays, contre 81,95% en 2020 et 75,7% en 2019. Plus de la moitié d’entre eux pensent aussi que le phénomène est en hausse par rapport à l’année précédente.

Un tiers des Burkinabè impliqués dans des actes de corruption

L’enquête 2021 révèle aussi qu’environ un tiers des Burkinabè (31,7%) ont directement offert au moins une rétribution illégale à des agents publics en échange d’un service normalement non soumis à paiement. Ce pourcentage est en augmentation de 5,6 points par rapport à 2020 et de 10,9 points par rapport à 2019. Les services de la Police nationale, de la Police municipale, de la Santé et des collectivités territoriales concentrent à eux seuls 80% des pratiques de corruption enregistrées au cours de l’année 2021 dans l’administration publique burkinabè. La plupart du temps (53,2% des cas), l’agent public a été à l’initiative de l’acte de corruption.
Mais en dehors des acteurs directs, un quart (24,7%) des personnes déclarent également avoir été témoins d’actes de corruption contre 20% l’année précédente. Plus de la moitié de ces témoignages (66%) mettent en cause les Forces de Sécurité intérieure (FSI).

La police municipale en première ligne

Le classement des services les plus touchés par le phénomène de la corruption fait ressortir la Police municipale, la Douane et la Police nationale aux trois premiers rangs, avec des indices respectifs de 51,34 ; 37,34 et 31,77 points. Une constante, dans la mesure où, depuis 2019, ces services sont abonnés aux trois premières places du classement.

Quant à la Gendarmerie nationale, classée 5e lors des deux précédentes années, elle arrive à la 7ème place en 2021 avec un indice de 12, 08 points.

Les dix premiers services les plus touchés par la corruption au Burkina Faso

Le classement s’établit sur la base d’un indice appelé Indice composite de Mesure de la Corruption dans les Administrations publiques (ICMC-AP). Il s’agit de constater l’ampleur du phénomène dans un service déterminé à la fois à travers la perception citoyenne et les expériences pratiques de corruption vécues par les usagers dudit service. « L’ICMC-AP prend des valeurs comprises entre 0 et 100. Une grande valeur signifie que la corruption est très élevée. Cet indice permet non seulement une comparabilité entre les services, mais aussi de suivre l’évolution d’un service public donné au fil des années« , explique Issouf Paré, économiste-statisticien et Secrétaire chargé des Études et des Enquêtes au REN-LAC.

Agir urgemment

Alors que le niveau galopant de la corruption au Burkina Faso ces dernières années devrait conduire les autorités à prendre des mesures vigoureuses pour combattre le phénomène, le REN-LAC déplore une gestion gouvernementale caractérisée en 2021 par de nombreux scandales doublés d’une impunité pour les auteurs des mauvaises pratiques. « Le Président du Faso, censé impulser la dynamique de bonne gouvernance, a brillé par son mutisme devant les mauvaises pratiques de certains de ses proches« , souligne Sagado Nacanabo, Secrétaire exécutif du Réseau.
Selon lui, l’Assemblée nationale, censée contrôler l’action gouvernementale, a, elle aussi, semblé fonctionner comme une caisse de résonnance de l’Exécutif. De fait, suite à l’attaque terroriste intervenue contre le détachement d’Inata en novembre 2021 et ayant entraîné la mort de 57 personnes dont 53 gendarmes, l’institution s’est juste contentée d’interpeller le gouvernement à l’hémicycle à travers des questions orales avec débat sans pour autant faire la lumière sur les circonstances du drame. Pour Sagado Nacanabo, « La gravité de l’affaire aurait dû amener les Députés à conduire une mission d’information ou une commission d’enquête pour situer les responsabilités et éclairer l’opinion. »
Convaincu que la corruption apparait comme un terreau fertile pour le terrorisme dans le contexte actuel, le Secrétaire exécutif du REN-LAC insiste sur l’urgence d’agir sans complaisance contre le phénomène, avant qu’il ne soit trop tard.

 

Gouverner par l’exemple

Pour une lutte plus efficiente contre la corruption, le REN-LAC suggère aux autorités de faire preuve de volonté politique réelle à travers l’exemplarité, la transparence et la redevabilité dans la gestion des affaires de l’État. Sagado Nacanabo propose d’organiser une véritable opération de lutte contre la corruption dans tous les secteurs d’activités en impliquant les structures étatiques et non étatiques. « Dans cette optique, il conviendrait de prendre des mesures conservatoires contre les agents publics épinglés dans des affaires de corruption par les Corps de Contrôle de l’État, la presse ou les OSC de lutte anti-corruption, en attendant les procédures administratives et judiciaires« , précise-t-il.

Le REN-LAC estime nécessaire un audit des secteurs de la défense et de la sécurité pour faire la lumière sur l’acquisition du matériel militaire et la gestion des primes des soldats engagés sur les théâtres d’opération. Cette question a été mise au coeur des réflexions des Journées nationales du Refus de la Corruption (JNRC) qui se tiennent cette année du 1er au 09 décembre 2022 sur le thème : « Corruption et terrorisme au Burkina Faso : quelles perspectives ? ».
Par ailleurs, le Réseau exhorte la Représentation nationale à réaliser de son côté des enquêtes et missions d’informations parlementaires sur les secteurs d’activités fortement touchés par la corruption, afin d’élucider les allégations et soupçons. D’autant que l’accroissement de la corruption contribue davantage à « fragiliser le tissu social, altérant la confiance entre gouvernants et gouvernés et affaiblissant l’État de droit. »

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CIC

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