Déclarations de patrimoines. « C’est bon mais ce n’est pas arrivé ».

Déclarations de patrimoines. « C’est bon mais ce n’est pas arrivé ».

Le 29 décembre 2015, lors de la cérémonie de son investiture, le nouveau Président du Faso Roch Marc Christian KABORE a, conformément aux textes en vigueur, obéit à l’obligation de déclaration d’intérêt et de patrimoine en transmettant au Conseil constitutionnel, l’inventaire de ses intérêts et patrimoine. Quelques semaines après, ladite déclaration d’intérêt et de patrimoine du Président du Faso a été rendue publique à travers la presse (cf. Le Pays n°6020 du mardi 19 janvier 2016).
En attendant de la voir publiée au Journal officiel, comme l’exige la loi anti-corruption (loi n°004-2015/CNT du 3 mars 2015, portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso) en son article 10, il convient de saluer l’acte à sa juste valeur dans son principe, en ce qu’il vient en obéissance à l’une des obligations prescrites par la loi anti-corruption. Cependant, à l’analyse, ladite déclaration appelle quatre observations essentielles.
D’abord, elle semble incomplète. En effet, il n’y apparait aucun bien des « personnes liées » comme le veulent les articles 8 et 21 de la loi anti-corruption. Ces « personnes liées » sont définies à l’article 3.q de ladite loi comme « toute personne apparentée au déclarant par les liens du mariage, d’une union de fait, de la filiation ou de l’adoption, à l’exception des enfants majeurs ». Ensuite, aucune mention n’est faite des « revenus annuels liés à la fonction occupée ou provenant de toute autre source » du déclarant comme le prescrit l’article 22 de la loi anti-corruption. Quant aux biens immeubles, on constate tout simplement que ladite déclaration s’est bornée à indiquer leur situation géographique, sans en fournir ni les adresses, ni les références authentiques comme l’exige l’article 23 de la loi anti-corruption . Enfin, alors qu’« il est fait obligation au déclarant d’indiquer son statut matrimonial et son régime matrimonial » et d’indiquer également « s’il utilise ou non un ou des prête-noms », on note tout simplement que la déclaration d’intérêts et de patrimoine du Président KABORE n’a aucunement fait cas de ces informations essentielles que la loi exige de communiquer. Sur la base de ces éléments, on peut donc dire au sujet de cette déclaration d’intérêts et de patrimoine, que « c’est bon, mais ce n’est pas arrivé » ; il y a des compléments à faire !
Par ailleurs, le REN-LAC tient à souligner que jusque-là, aucune publication n’a été faite des déclarations de patrimoine des honorables députés du Conseil national de Transition (CNT). Et le Conseil Constitutionnel et la Cour des Comptes qui ont été non seulement chargés par la Charte de la Transition
de veiller au respect de cette obligation par les membres des organes de la Transition, mais aussi « investis de tous les pouvoirs pour établir le patrimoine des personnalités concernées » sont demeurés dans un mutisme, malgré l’interpellation publique dont ils ont fait l’objet de la part du REN-LAC (Déclaration du 28 avril 2015, http://lefaso.net/spip.php?article64479). A présent que la Transition a pris fin, il est attendu de chacun des animateurs de ses différents organes, qu’il se conforme à l’obligation de déclaration d’intérêt et de patrimoine de fin de mission, dans le délai prescrit par la Charte qui est d’un mois maximum suivant la fin de la Transition.
A toutes fins utiles, il convient de rappeler que la déclaration de patrimoine est une exigence citoyenne qui vise à promouvoir la transparence dans l’exercice des fonctions publiques, à garantir l’intégrité des serviteurs de l’Etat et à affermir la confiance du public envers les institutions. Il est un droit pour le citoyen, le contribuable de s’assurer que ceux qui ont reçu mandat de gérer leurs affaires n’en profitent pas pour se servir, plutôt que de servir !
Fidèle à sa mission d’ «œuvrer pour une garantie de la bonne moralité et la transparence dans la gestion de la chose publique » et déterminé à assumer pleinement son rôle de veille citoyenne, le REN-LAC encourage vivement:
1. l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) à exercer les prérogatives que lui confère la loi anti-corruption, en :
 requérant auprès du Président du Faso les informations additionnelles en vue de compléter sa déclaration d’intérêt et de patrimoine, conformément aux observations ci-dessus formulées (article 26 de la loi anti-corruption) ;
 veillant à ce que les déclarations à venir soient respectueuses des dispositions de la loi anti-corruption et que les sanctions prévues pour les différents manquements soient appliquées, le cas échéant ;
2. les nouvelles autorités, à traduire dans leur quotidien les engagements forts pris dans le sens de la lutte contre la corruption, à travers un comportement exemplaire ;
3. une fois de plus, le Conseil constitutionnel et la Cour des Comptes à :
 veiller à ce que s’accomplissent les déclarations de patrimoine de fin de mission des membres des organes de la Transition ;
 user de tous les pouvoirs que leur a conférés la Charte de la Transition, pour mener à toutes fins utiles, les contrôles nécessaires sur les patrimoines déclarés par les membres des organes de la Transition ;
4. enfin, les citoyens à renforcer la veille citoyenne dans le sens de garantir la fiabilité et la sincérité des déclarations d’intérêt et de patrimoine faites par les assujettis.

Le « Burkina nouveau », implique que tous se soumettent à la loi, et qu’elle s’applique à tous avec la même rigueur, en toute égalité ! La restauration de l’autorité de l’Etat est à ce prix !

Ouagadougou le 28 janvier 2016

Le Secrétariat Exécutif

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