Journée internationale de la lutte contre la corruption : « La loi anticorruption connaît une application timide et mitigée » Karfa Gnanou personne ressource du REN-LAC et expert de la Convention des Nations unies contre la corruption.
La journée internationale de la lutte contre la corruption a été commémorée ce jeudi 09 décembre 2016 à Bobo-Dioulasso. Un Grand panel sur le thème : « L’application effective de la loi anticorruption : enjeux et défi » a été organisé ce jour à Bobo-Dioulasso par l’ASCE-LC, le REN-LAC, le PNUD, le RAJIT, le RBJLI et l’OJD.
Trois personnes ont animé ce panel : il s’agit du Dr Luc Marius IBRIGA Contrôleur général d’Etat, Idrissa DJIBO Président de l’Organisation pour la justice et la démocratie et Karfa GNANOU personne ressource du REN-LAC.
Pour le Contrôleur général d’Etat, les domaines de prédilection des actes et de corruption au Burkina sont les suivants : les marchés publics, le foncier (opérations de lotissements), la mauvaise gestion des ressources publiques. Après avoir fait l’état de la corruption au Burkina à la lumière des investigations menées par l’ASCE-LC, le premier paneliste Dr Luc Marius IBRIGA conclut que la nécessité d’une moralisation de la vie politique et de la gestion publique veut que certaines exigences soient imposées aux «élus » dont la prévention des conflits d’intérêts (déclarations d’intérêts), le contrôle des déclarations de patrimoine des principaux responsables publics, l’inéligibilité des élus condamnés pour fraude fiscale ou pour corruption et l’indépendance de la justice.
L’application effective de la loi anticorruption contribuera à la moralisation de la vie publique.
Cette moralisation passe surtout par une application effective de la loi anti-corruption qui contient des mesures à cet effet dont « l’obligation pour un certain nombre d’élus, de collaborateurs d’élus, de responsables d’organismes publics et, dans certains cas, de leurs conjoints, de fournir une déclaration d’intérêts et une déclaration de situation patrimoniale ; la publicité des déclarations d’intérêts des élus ; la mise à disposition des électeurs des déclarations de situation patrimoniale des parlementaires et membres du gouvernement, avec toutefois l’interdiction de les rendre publiques sous peine d’amende“.
Autres mesures fortes la constitutionnalisation de l’ASCE-LC avec des pouvoirs élargis, chargée notamment de recevoir et contrôler les déclarations d’intérêts et de patrimoine, de conseiller les élus et dirigeants publics sur les questions de déontologie et de conflit d’intérêts et d’alerter en cas de manquement.
La protection des personnes qui témoignent ou alertent d’un conflit d’intérêts (protection des lanceurs d’alerte) pourrait aussi permettre une application effective de la loi.
Un cadre favorable aux lanceurs d’alerte condition nécessaire pour l’application de la loi.
Il s’agit d’implanter une éthique du service public, c’est-à-dire un comportement désintéressé qui trouve le fondement de son action dans la règle de droit et non dans l’intérêt privé. Les mécanismes nécessaires pour prévenir, détecter et réprimer la corruption au BF ont été abordés par le deuxième paneliste Idrissa DJIBO Président de l’Observatoire pour la justice et la démocratie (OJD). Un nombre d’outils de prévention sont disponibles et couvrent plusieurs aspects allant de l’évaluation du risque de corruption, des mécanismes d’amélioration du service public en assurant une plus grande confiance du public dans les institutions et les responsables. Il va proposer plusieurs instruments pour prévenir, détecter et réprimer la corruption au Burkina parmi lesquels : un pacte d’intégrité pour prévenir la corruption dans les contrats publics ; la déclaration des biens et des actifs, à ce sujet les lois et dispositifs devraient inclure tous les membres du gouvernement, les Directeurs généraux des services de l’Etat, les Directeurs généraux des sociétés d’Etat, les Responsables de projets, les responsables financiers, les membres de l’Assemblée Nationale, les maires et conseillers municipaux.
Pour les instruments de détection le panéliste propose un certain nombre d’éléments à prendre en compte parmi lesquels : les politiques et procédures, la revue des comptes généraux, les déboursements de caisse et les paiements aux intermédiaires de tierces parties.
Pour les mécanismes de répression, il préconise la participation citoyenne et le contrôle social, l’accès à l’information, la gestion institutionnelle et la redevabilité.
Idrissa DJIBO va plaider enfin pour prévenir et réprimer facilement la corruption au Burkina, la mise en place d’un cadre juridique favorable aux lanceurs d’alerte. Selon le Conseil de l’Europe est un lanceur d’Alerte toute personne qui révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, dans le secteur public ou privé.
La loi 04 connaît une application timide et mitigée
L’application de la loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina est encore timide et mitigée tant du point de vue de la répression que de la prévention selon le troisième paneliste, Karfa GNANOU personne ressource du REN-LAC et expert de la Convention des Nations unies contre la corruption. Plus tard il citera quelques rares cas où les juges ont eu à appliquer la loi anticorruption depuis son adoption. Parmi les exemples cités, le cas d’un prévenu qui a tenté de corrompre un juge et a été inculpé pour tentative de corruption.