Impunité des crimes économiques et des crimes de sang. Une coalition d’organisations de la société civile dit non !
La ville de Ouagadougou a abrité les 19 et 20 mai 2017 les « journées de dénonciation de l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques » organisées par des structures de la société civile. Un forum d’échanges et de témoignages et un meeting à la Maison du Peuple ont servi de tribunes à une dizaine d’organisations pour dénoncer l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques sous le règne de la IVème République. Ces activités ont été organisées par la Coordination des comités de défense et d’approfondissement des acquis de l’insurrection populaire (CDAIP), le REN-LAC, le MBDHP, l’UGEB, l’AESO, l’ODJ, l’ABASSEP, le SYNAMUB, le CADDL, les CCVC de la ville de Ouagadougou.
Le vendredi 19 mai 2017, premier jour de la manifestation a été dominé par les témoignages des différents représentants des familles des victimes de crimes de sang et crimes économiques. Après un rappel des différents crimes de sang enregistrés sous la IVe République, un récapitulatif de quelques scandales de mauvaise gestion de deniers publics a été fait au public par le Comité d’organisation. Pour le porte-parole de la coalition Elie TARPAGA « on parle aujourd’hui de pardon et de réconciliation alors qu’on ne sait même pas qui doit pardonner à qui et pourquoi ? »
Les organisateurs de ces journées réclameront la vérité et la justice pour les crimes « fâcheux » de Norbert ZONGO, de DABO Boukari, de Thomas SANKARA, des victimes de l’insurrection populaire de 2014 et de la résistance au putsch de 2015 et pour tous les autres crimes sous le mandat de BLAISE COMPAORE. Pour le représentant de l’UGEB (Union Générale des Etudiants du Burkina), il n’est pas normal que 27 ans après l’assassinat de l’étudiant DABO Boukari, justice n’ait pas encore été rendue. La lumière doit être faite sur ces trois aspects : qui a dit de tuer DABO Boukari ? Pourquoi ils l’ont tué ? Et qui l’a tué ? Les voix se sont élevées pour que justice soit également à Jules NANKOULY, aux élèves de Garango, à David OUEDRAOGO, et bien d’autres. Les crimes économiques dénoncés par ces organisations sont entre autres l’affaire Ousmane GUIRO, l’affaire Idrissa ZAMPALIGRE pour la CNSS, le dossier de la Banque Agricole et Commerciale du Burkina, la réfection de la mairie de Ouagadougou etc.
Témoignages émouvants pour Norbert ZONGO et d’autres victimes.
Adama DABO
C’est lui qui prendra la parole en premier lieu pour parler de son oncle DABO Boukari. Pour lui DABO Boukari est un exemple de courage qu’il convient d’imiter. Il retracera le parcours scolaire et universitaire semé d’embûches de l’illustre disparu avant de parler des relations cordiales qu’il entretenait avec la famille. Sa mort, c’est sur les radios étrangères qu’ils l’apprendront. En février 2017, la famille sera conviée par la Justice a visité une motte de terre située à quelques encablures de Pô supposée être sa tombe.
François Xavier SONDO, ami de Norbert ZONGO
« Norbert était quelqu’un qui aimait parler de la politique et du syndicalisme. Après ses études secondaires, il a poursuivi ses études de Droit à l’Université d’Abidjan en 1976. En 1979, il a eu des problèmes et a été transféré à Ouagadougou en prison. A sa sortie de prison, il reprend les cours au Cameroun. De retour au Burkina, il intègre la Fonction publique et devient journaliste à Sidwaya. Vu que ses écrits ne passaient pas il démissionne pour le privé. C’est de là qu’est né le journal L’Indépendant. J’ai été averti du fait qu’on voulait lui faire quelque chose, quand je l’ai informé il m’a dit que ce n’était pas étonnant mais que si Blaise le tue il ne va plus tuer quelqu’un. Il est venu un dimanche à Koudougou voir sa maman et il est passé me voir, de retour à Ouagadougou il m’a appelé vers 1h qu’il est bien rentré et qu’il devait résoudre des problèmes à Fada le lendemain. Et j’apprends le lundi que Norbert ZONGO est mort dans un accident sur la route de Sapouy ».
Georgette ZONGO, la sœur de Norbert ZONGO
« Norbert s’est fait tuer à cause de l’affaire David OUEDRAOGO. Il voulait qu’on prenne en charge les orphelins et la veuve de David. Il estimait que les assassins devraient envoyer quelqu’un à la famille pour demander pardon et reconnaitre leur forfait. En son temps Blaise COMPAORE disait qu’un chef ne demande pas pardon. J’ai été informé de la mort de Norbert par ma fille. Quand nous sommes arrivés sur les lieux de l’accident mon mari, mon petit frère et moi, ce sont les sacs de riz et les bidons d’eaux qui étaient toujours en fumée. Norbert était au siège arrière tout carbonisé. Quand mon mari l’a touché, sa tête est tombée ».
D’autres personnes témoigneront par la suite. Parmi elles le président du MBDHP Chrysogone ZOUGMORE sur le crime de Sapouy, Alphonse DAKISSAGA au titre de la famille de Blaise ILBOUDO compagnon d’infortune de Norbert ZONGO. Christian BOGOLO qui trouve que «nos politiciens sont des croque-morts», le représentant des commerçants de Toécé yaar, Abzèta OUEDRAOGO pour les trieuses de billet de la BCEAO Burkina en attente d’une exécution d’une décision de justice en leur faveur et bien s’exprimeront sur les crimes de sang et crimes économiques au Burkina.
Le meeting du 20 Mai pour dire non à l’injustice !
L’acte 2 de ces journées a eu lieu le samedi 20 mai. Les militants des organisations impliquées se sont retrouvés ce jour à la Maison du Peuple de Ouagadougou. Ce meeting avait pour objectif une fois de plus de dénoncer l’injustice et l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques. Il a été ponctué de prestations d’artistes engagés et de discours. Le secrétaire général de l’Union Générale des Etudiants Burkinabè (UGEB) Vincent BADO après avoir dépeint dans son discours les insuffisances du système éducatif burkinabé est revenu sur le dossier de leur camarade DABO Boukari. Selon lui, les vaillants étudiants s’engagent à lutter contre la magouille du gouvernement actuel qui continue de diriger le pays dans l’injustice. Le courage et la persévérance de DABO Boukari leur donnent la force de lutter pour de meilleures conditions de vie et d’étude mais également pour la démocratie et le progrès social véritable. Dans le message délivré au public, les organisateurs disent avoir toujours « soif de justice » et appellent la population à la solidarité et à la mobilisation pour une cause juste.