Discours du Secrétaire Exécutif du REN-LAC lancement du rapport 2016 sur l’état de la corruption et de la remise des prix du jeu concours KOUKA 11e édition.
Ouagadougou le 30 juin 2017
Palais de la jeunesse et de la culture Jean Pierre GUINGANE (Ouagadougou)
Mesdames/Messieurs, Honorables invités
Le REN-LAC se réjouit de l’honneur que vous lui faites d’être présents cet après-midi à la cérémonie de lancement de son rapport 2016 sur l’état de la corruption au Burkina Faso qui constitue en même temps celle de la remise des prix de la 11ème édition du Jeu concours KOUKA. Au nom des organisations membres du Réseau, je vous dis un grand merci.
Mesdames, Messieurs, chers invités,
Chaque année et ce depuis 2000, le REN-LAC présente un rapport sur l’état de la corruption au Burkina Faso. Ce rapport constitue un baromètre de la corruption dans divers secteurs de la vie publique nationale. Il comporte d’une part, les résultats d’une enquête d’opinion des populations urbaines sur les pratiques de corruption dans notre pays, et d’autre part, un état des lieux de la lutte anti-corruption menée au cours de l’année par les institutions étatiques, les organisations de la société civile, les médias, etc. Ce rapport représente donc un instrument d’information et de sensibilisation de l’opinion nationale sur l’ampleur du phénomène dans certains services publics mais également un outil de plaidoyer et d’interpellation des différents acteurs sur leurs rôles et leurs responsabilités dans la lutte contre la corruption.
Que peut-on et que doit-on retenir de ce rapport ?
L’enquête 2016 sur l’état de la corruption au Burkina Faso a été réalisée dans les 13 chefs-lieux de région de notre pays. La ville de Pouytenga a été associée à ces treize villes pour aboutir à un total de quatorze villes.
L’échantillon auprès duquel les informations ont été collectées comprend 2000 personnes dont 50,4% enquêtés de sexe masculin. Jeunes, ces enquêtés ont à 60% un âge compris entre 20 et 39 ans; 81,1% des enquêtés ont été scolarisés et 72,4% sont des personnes actives, constituées en majorité de salariés.
Pour 51,9% de l’ensemble des enquêtés, la corruption a connu une baisse au Burkina Faso en 2016. Cette proportion était de 47,7% en 2015. Cette conclusion rejoint celle de Transparency International (TI) qui attribue en 2016 une note de 42/100 et classe le Burkina Faso à la 72ème place sur 176 pays. La perception des burkinabè s’explique probablement par la forte poussée de la veille citoyenne qui se développe depuis l’Insurrection populaire et la Résistance au putsch dont les vertus s’apprécient à l’aune des mesures ou des comportements que les gouvernants sont contraints d’adopter de temps à autres (cf. l’affaire des tablettes par exemple).
Sur un tout autre registre, un (1) enquêté sur trois (3) affirme avoir expérimenté personnellement la corruption ou avoir été témoin d’actes de corruption.
Trois cent trente un (331) des 2000 enquêtés (soit 16,6%) ont déclaré avoir offert personnellement au moins une fois une rétribution illégale à un agent public afin d’obtenir un service non soumis à paiement.
Ce taux était de 12,3% en 2015. Enfin, 98,5% des rétributions illégales ont été faites en cash (monnaie liquide) contre 1,5% en nature.
Dans le classement des services, la hiérarchie a été bousculée, si on considère le degré de corruption perçu par les enquêtés : la police municipale occupe en 2016 la première place, secondée par les marchés publics. Le trio de tête se referme avec la Douane qui s’adjuge la troisième place. La gendarmerie nationale, classée toujours au-delà de la 8ème place depuis 2008, est montée en force en occupant le 4ème rang.
Comparativement aux autres structures dénommées «PDG» (Police, Douanes et Gendarmerie), la Police nationale qui s’était illustrée jusqu’en 2015 par l’amélioration progressive de son rang, se positionne cette année au 9ème rang, alors qu’elle avait réussi à se hisser à la 11ème place en 2015. Cette dégringolade catastrophique de la Police et de la Gendarmerie nationales doit être corrélée au développement du terrorisme. En effet, le déploiement du dispositif de contrôle et de sécurité sur toute l’étendue du territoire suite aux attaques terroristes du 15 janvier 2016, a accru les opportunités de rackets sur les axes routiers, dénoncés publiquement par ailleurs par les transporteurs routiers.
Les marchés publics restent dans le collimateur des services perçus comme les plus corrompus en se positionnant à la deuxième place. Les récentes affaires de corruption dénoncées dans les marchés publiques corroborent bien cette perception des populations. Ce qui apparait comme inquiétant c’est que le gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure des risques avec l’allègement des conditions de recours aux procédures d’entente directe dans la passation des marchés.
La DGTTM améliore son score en passant du 4ème rang en 2015 au 8ème en 2016 même si la délivrance des cartes crises et l’obtention des permis de conduire sont toujours cités comme des actes entachés de pratiques de corruption.
L’une des notes positives que révèle le rapport 2016 est que 81% des personnes enquêtées croient en la possibilité de réduire la fréquence du fléau de la corruption dans notre pays, pour peu que les gouvernants fassent preuve de volonté politique sincère. Les enquêtés estiment que le Gouvernement doit principalement infliger des sanctions exemplaires et dissuasives aux auteurs d’actes de corruption.
Mesdames / Messieurs, Honorables invités
L’analyse de l’état de la lutte contre la corruption en 2016 a été faite selon deux axes : l’action des acteurs étatiques d’une part et celle de la société civile et des médias de l’autre.
Au niveau des acteurs étatiques, malgré les avancées liées à l’adoption des textes qui permettent de renforcer l’environnement institutionnel et juridique de la prévention et de la répression de la corruption, la moralisation de la vie publique reste une impérieuse nécessité. En effet en 2016, les institutions et les gouvernants n’ont pas été à la hauteur de leurs propres engagements, encore moins des attentes légitimes du peuple en matière de lutte contre la corruption. En effet, l’on a assisté à des violations de la loi anticorruption au sommet de l’Etat et à des révélations de scandales de mal gouvernance, qui ont éclaboussé aussi bien l’exécutif, le législatif que le judiciaire.
En outre, les structures de contrôle, principalement l’ASCE/LC et la Cour des comptes ont encore produit des rapports dénonçant des malversations dans la gestion des comptes publics et de façon plus globale dans celle de la chose publique.
Les acteurs non étatiques comme la société civile et les medias, ont poursuivi leurs actions de dénonciation, de plaidoyer, de sensibilisation et d’information sur les méfaits des pratiques corruptrices. Leurs actions avec le temps suscitent un intérêt accru au niveau des populations. En 2016, elles ont contraint le gouvernement et le parlement à revoir leur copie, notamment dans la gestion du scandale des tablettes offertes aux députés. Elles ont contribué également à l’organisation de la veille citoyenne qui semble toucher progressivement un large éventail de catégories socioprofessionnelles.
Mesdames et Messieurs, distingues invités,
Le lancement du rapport 2016 a été précédé par la proclamation et de la remise des Prix du Jeu concours KOUKA. Cette 11ème édition s’inscrit dans la lignée des actions entreprises par le REN-LAC pour un rayonnement du civisme et de la morale dans les établissements primaires et secondaires de notre pays.
Depuis 2000, le Réseau national de lutte anticorruption essaye à travers la Bande Dessinée (BD) KOUKA, de contribuer à l’éveil des consciences et à l’éducation des plus jeunes contre ce fléau qui gangrène notre société. C’est l’occasion pour nous de réitérer notre plaidoyer pour l’introduction d’un module d’enseignement relatif à la lutte contre la corruption et à la promotion des valeurs morales éthiques et civiques dans les programmes d’enseignement scolaires. En effet, l’école pourrait être aujourd’hui le cadre par excellence de l’apprentissage de ces valeurs.
Mesdames, Messieurs, chers élèves,
Comme le laisse entrevoir son intitulé, la BD Kouka N°16 met sous le feu des projecteurs la pratique des cadeaux, qui par son ampleur, pourrit la vie de nos services publics. Ce numéro de la Bande Dessinée KOUKA interpelle non seulement les agents publics mais aussi les employés du privé, sur les nouvelles dispositions de la loi portant prévention et répression de la corruption au Burkina Faso, notamment en ses dispositions relatives aux cadeaux reçus par ceux-ci, dans ou à l’occasion de l’exercice de leur fonction. Une fois de plus, notre héros Kouka, dans sa quête d’une société débarrassée de la corruption, avec ses amis poursuivra ses efforts de moralisation et de sensibilisation des enfants, mais plus globalement des acteurs burkinabè.
La Bande Dessinée KOUKA N°16 a été tirée à 30 000 exemplaires. Tous les chefs-lieux de régions ont reçu leur dotation ainsi que la quasi-totalité des chefs-lieux des 45 provinces du pays.
La participation au jeu concours KOUKA 2017 a connu un tassement et un repli significatifs : de 2871 réponses enregistrées en 2015, cette participation est passée à 2047 cette année. Nous pensons que cette baisse s’explique par les soubresauts connus par le secteur de l’enseignement et notamment dans la région du Sahel au deuxième trimestre de l’année.
Au nom du REN-LAC, je voudrais remercier tous les participants au jeu concours. Un bravo doublé d’encouragements aux lauréats de cette année. Pour l’immense majorité des lecteurs de KOUKA, retenez, selon la formule désormais consacrée, que «le plus important ce n’est pas de gagner mais de participer». Soyez donc tous au sortir de cette cérémonie, des ambassadeurs de la lutte contre la corruption.
Aux membres du jury de cette 11ème édition qui ont abattu un travail colossal pour la désignation des lauréats de ce jour, je leur réitère ma profonde gratitude pour leur engagement aux côtés de notre jeunesse et de notre structure.
Mesdames, Messieurs, chers élèves,
Cette cérémonie se tient dans un contexte national particulier, principalement caractérisé par une avalanche de dénonciations de malversations de divers ordres, touchant également des secteurs divers : infrastructures, culture, communication, marchés publics, impôts, etc. Les différents cas portés sur la place publique par les médias, les acteurs de la société civile et les organes de contrôle étatiques, les uns aussi scandaleux que les autres, indiquent clairement que la mal-gouvernance s’enracine davantage dans notre société, malgré la rupture promise par le pouvoir du MPP. Malheureusement, aucun signal à la hauteur de l’ampleur du phénomène n’est donné pour contrer son développement. C’est pourquoi le REN-LAC dans son rôle de veille et d’alerte ne cessera de tirer sur la sonnette d’alarme, tout en appelant avec insistance, les populations des villes et campagnes à renforcer leur niveau de mobilisation et de détermination pour développer des luttes contre ce phénomène. D’ores et déjà, et compte tenu de ce contexte de mal-gouvernance généralisée doublée d’impunité, il semble urgent qu’un dispositif citoyen se mette en place pour exercer une veille citoyenne saine sur la mise en œuvre des grands projets d’investissements annoncés par le gouvernement, dont : le Programme d’urgence du Sahel d’un coût global de plus de 400 milliards et la mise en place d’environ 16 milliards au profit des jeunes et des femmes. Seules notre mobilisation et notre détermination nous permettront d’arracher de grandes victoires dans la lutte contre la corruption et la mal-gouvernance.
Avant de clore mon propos, je voudrais traduire mes remerciements à l’endroit des responsables d’établissements et du corps enseignant, qui nous ont une fois de plus soutenu dans la distribution de la Bande Dessinée KOUKA.
Je réitère mes remerciements à nos différents partenaires, j’ai nommé : l’Ambassade Royale du Danemark, l’Ambassade de France, la Coopération Suisse, la Coopération allemande (notamment la KFW), les ONG (Diakonia et IBIS OXFAM) les structures des Nations Unies, (le PNUD et la Banque mondiale) et enfin le Programme de Renforcement de la Gouvernance Politique (structure nationale).
Enfin pour terminer, je voudrais remercier tous ceux qui ont eu l’amabilité d’honorer de leur présence cette modeste cérémonie, merci d’avoir fait le déplacement cet après-midi au Palais de la jeunesse et de la culture Jean Pierre GUINGANE pour assister au lancement du rapport 2016 sur l’état de la corruption et à la remise des prix de la 11ème édition du jeu concours de la Bande Dessinée KOUKA.
Bon retour dans vos familles respectives.
Je vous remercie.