Burkina Faso : le REN-LAC invite les autorités de la transition à gouverner par l’exemple
Le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC) a appelé ce mardi le pouvoir de la Transition à s’inscrire dans la culture de la transparence, de la redevabilité et de l’exemplarité en mettant au cœur de son action la lutte contre la corruption et la mal gouvernance. Pour le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo, plus de cinq mois après la prise du pouvoir par les militaires et l’instauration de la Transition politique, aucune rupture véritable n’a été observée sur le plan de la gouvernance.
« Depuis l’avènement du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR), le Président Damiba semble s’inscrire dans la même logique que son prédécesseur Roch Marc Christian Kaboré« . C’est le constat effectué ce mardi 21 juin 2022 par le Réseau national de Lutte anti-corruption (REN-LAC). L’organisation de la Société civile burkinabè s’appuie notamment sur la nomination d’amis et copains des tenants actuels du pouvoir à la tête des sociétés d’État et des grandes institutions publiques, alors que l’accès à ces postes est censé se faire par appel à candidature.
Pour le REN-LAC, les révocations systématiques avec effet immédiat des Directeurs généraux et Présidents d’institutions suscitent des interrogations légitimes sur les intentions réelles du pouvoir, car en principe la révocation d’un agent public devrait s’appuyer sur des faits précis qui lui sont reprochés et connus de tous.
Le Secrétaire exécutif du REN-LAC, Sagado Nacanabo a également fustigé la propension de la Transition à vouloir « verrouiller les espaces de libertés démocratiques, au nom de la lutte contre le terrorisme, museler la presse et empêcher l’exercice de la veille citoyenne« .
Une gouvernance sans boussole
Selon M. Nacanabo, plus de cinq mois après la prise du pouvoir par les militaires du MPSR, l’évolution de la situation nationale ne montre aucun changement notable. Bien au contraire, la situation sécuritaire et humanitaire s’est davantage dégradée avec la multiplication des attaques armées qui ont gagné plusieurs parties du territoire national. Le Secrétaire exécutif du REN-LAC en veut pour preuve l’attaque meurtrière survenue à Seytenga dans le Sahel le 12 juin dernier. Avec un bilan officiel de 86 morts, cette attaque apparaît comme la plus meurtrière que le Burkina Faso ait connue depuis un an.
Selon les chiffres du Conseil national de Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR), à la date du 30 avril 2022, le Burkina enregistrait 1 902 150 Personnes déplacées internes (PDI). En outre, 2 076 659 personnes étaient affectées par la fermeture totale de 185 centres de santé, ainsi que le fonctionnement à minima de 354 autres ; 685 935 élèves étaient privés du droit à l’éducation avec la fermeture de 4 148 écoles.
Ce qui fait dire au REN-LAC qu’en dehors d’apercevoir le Lieutenant-Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba en treillis militaire en lieu et place du Président Roch Marc Christian Kaboré en Faso Danfani sur le fauteuil présidentiel, les Burkinabè peuvent se demander s’il y a eu véritablement un changement à la tête de l’État. « Si nous convenons que cinq mois d’exercice du pouvoir peuvent s’avérer insuffisants pour juger du bilan du MPSR et de la Transition, il est également indéniable que les premiers pas d’un régime sont déterminants pour savoir si la marche à suivre est bonne ou pas« , a martelé l’organisation de lutte anti-corruption.
D’après le REN-LAC, la gestion quotidienne des affaires montre que le pouvoir de la Transition, à l’image du régime MPP, n’a pas pris la pleine mesure des aspirations populaires. Comme en témoignent les salaires servis aux membres du gouvernement qui sont passés du simple à plus du double [973 320 à 2 386 256 pour les ministres et 1 089 720 à 2 782 717 F CFA pour le Premier ministre].
« Dans un contexte de péril de la nation où un Burkinabè sur dix est déplacé interne et de nombreux autres peinent à se trouver un repas par jour, cette augmentation de salaires des membres du gouvernement de la Transition apparaît indécente. Alors qu’il est demandé aux braves populations qui peinent déjà à survivre de consentir à l’effort de guerre, les dirigeants, eux, continuent de se la couler douce comme si de rien n’était« , a dénoncé très clairement le Secrétaire exécutif du REN-LAC.
Faire de lutte anti-corruption une priorité
Sagado Nacanabo a insisté sur l’exemplarité et le sens du sacrifice qui doivent être le leitmotiv de l’action gouvernementale et de tous ceux appelés à assumer des responsabilités quelconques. « Sans une lutte résolue et sincère contre la corruption et la mal gouvernance, la restauration de l’intégrité du territoire dont le Président Damiba semble faire son principal objectif sera vouée à l’échec« , a-t-il confié.
Pour lui, l’attaque terroriste perpétrée le 14 novembre 2021 contre les membres du détachement d’Inata, au cours de laquelle 57 gendarmes ont été tués dans des conditions de dénuement total, démontre à quel point la corruption et la mal gouvernance constituent la sève nourricière de l’insécurité.
Le Secrétaire exécutif du REN-LAC a saisi l’occasion pour demander la publication dans les plus brefs délais du rapport de l’inspecteur général des forces armées nationales, afin de situer l’opinion sur les causes réelles et les responsabilités dans ce drame.
« La transition gagnerait mieux à s’inscrire dans la culture de la transparence, de la redevabilité et de l’exemplarité en mettant au cœur de son action la lutte contre la corruption et la mal gouvernance. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle pourra relever les défis de la lutte contre le terrorisme« , a suggéré Sagado Nacanabo. Avant de conclure que « Les actions de communications voire de propagande organisées çà et là et non sous-tendues par des résultats concrets et visibles ne sont que de simples spectacles loin de produire l’effet escompté. »